Mios raconté par ses rues et lieux-dits
sous la direction de Mauri Brouard
21 x 29,7 – 164 pages quadrichromie – 15 € – En vente à l’Office de Tourisme de Mios.
Mios est situé dans le Val de l’Eyre et fait partie du Parc naturel régional des Landes de Gascogne. C’est une commune très vaste qui s’étend de Marcheprime à Sanguinet et de Biganos à Salles. Sa superficie de 137,4 km2, la place au premier rang du canton d’Audenge.
Mios est une commune qui fait partie du pays de Buch comme l’attestent les premières mentions de son nom au XIVe siècle : « Myos in Bogio » (c’est-à-dire « en Buch »). Le vocable qui la dénomme est naturellement bien plus ancien, remontant sans doute à l’époque gallo-romaine, où il désignait peut-être un certain « Minus ». Le « n » intervocalique aurait ensuite disparu.
La situation de Mios est celle d’un lieu carrefour, jumeau de celui de l’antique Boïos-Lamothe à son sud-est, à la fois terrestre et fluvial, puisque son site primitif est constitué par les bords de l’Eyre et ses affluents. Mios s’est en fait établi à un carrefour ancien entre un axe Bassin d’Arcachon-amont de l’Eyre et un autre Bordeaux-Sanguinet. C’est par un gué majeur, à l’emplacement du pont actuel, et par divers gués annexes qu’on franchissait le fleuve, aucun pont n’existant avant le XIXe siècle. Au siècle dernier, des routes goudronnées, nombreuses et en bon état, ont remplacé les trois grandes allées de terre qui étaient autrefois les seuls axes terrestres praticables se dirigeant vers Bordeaux et correspondant aux trois gués principaux.
La première traversait l’Eyre au Pas de Caussat et reliait Lillet, Reganeau, La Lande et Marcheprime (Testarouch). La seconde venant de Salles passait par Calvin, Hourcet, le Pont de Fort puis Lacanau de Mios. La troisième arrivait de La Teste, suivant à peu près le tracé de l’ancienne voie romaine, franchissait l’Eyre et les marais de Pont Neau, puis Testarouch et Toctoucau.
La présence humaine à Mios est attestée de part et d’autre de l’Eyre depuis le chalcolithique, c’est-à-dire 6 à 7 000 ans avant notre ère, d’abord grâce aux recherches du Dr Peyneau[1], puis par des découvertes plus récentes. Elles indiquent que, de l’Âge du bronze à l’Âge du fer, les traces d’habitat et les sites funéraires se répartissent principalement le long des berges de la rivière, mais aussi de ses ruisseaux affluents, révélant un relatif éparpillement de l’occupation humaine qui, malgré l’importance du bourg actuel, est toujours d’actualité, comme le montre la présence de plusieurs quartiers bien distincts les uns des autres sur le territoire de la commune. Les principaux sont aujourd’hui : Lacanau de Mios, Lillet, et Petit Caudos.
Si l’on s’accorde sur l’existence d’une, voire de plusieurs villas gallo-romaines, on n’en a toujours pas trouvé l’emplacement. Des éléments de fouilles épars – mosaïque, céramiques, monnaies – indiquent cependant l’existence d’un habitat gallo-romain lui aussi dispersé[2]. La pauvreté des sols, composés de landes et de marécages, n’a apparemment pas permis de constituer une aristocratie terrienne assez riche pour se doter (et doter Mios) de bâtiments en dur et nous n’avons donc pas de vestiges significatifs remontant aux époques antique et médiévale.
La nature acide des sols a par ailleurs entraîné la disparition des éléments en bois, des métaux, des ossements qui pourraient être précieux pour l’archéologue.
Comme pour l’ensemble du pays de Buch, nous constatons donc un grand vide historique entre la fin de l’époque gallo-romaine (Ve siècle) et le Moyen Âge classique, non pas que Mios fût déserté aux époques mérovingienne et carolingienne, mais faute de vestiges, sarcophages, armes, etc., et de sources épigraphiques ou de documents ecclésiastiques.
Même si le mode de vie gallo-romain a perduré au-delà de la fin de l’Empire, et en dépit du manque de traces dans les écrits ou dans les fouilles, on peut s’accorder à penser que les terres du pays de Buch n’ont pas dû connaître, jusqu’au Moyen Âge classique, une quiétude semblable à celle procurée par la Pax Romana. En effet, en Aquitaine, le long de la Garonne essentiellement, mais aussi sur les régions côtières, se sont succédé des passages de peuples ou de bandes tribales du Ve au Xe siècle : Wisigoths, Francs, Arabes, Vikings.
Depuis les premières traces connues, l’activité agropastorale assez pauvre ne se distingue en rien de celle des communes avoisinantes. Le territoire, traversé par l’Eyre, bordé par les communes de Sanguinet, Le Teich, Biganos, Cestas, Le Barp, et Salles est essentiellement constitué par une grande plaine au sol sablonneux et aride dont l’acidité ne favorise pas la culture de céréales, comme le froment, qui demande un sol riche, épais et plutôt calcaire. Par contre, on y a toujours trouvé du seigle, du millet et un peu de maïs qui complétaient, avec les ruches, les ressources importantes de l’élevage de moutons et de vaches. Outre l’agriculture vivrière, les activités des habitants de Mios étaient tournées vers l’exploitation du bois et de ses dérivés : grumes, planches, piquets, charbon de bois, poix… Cette activité a duré de la protohistoire jusqu’aux scieries et usines de térébenthine des XIXe et XXe siècles.
L’Eyre fut, depuis le début des activités humaines riveraines, un moyen de transport majeur qui permettait les échanges avec le Bassin (flottage du bois, batellerie) ou avec la grande Lande, car des traces portuaires ont pu être mises évidence sur ses rives. Mais les Miossais étaient aussi réputés depuis longtemps pour leurs charrois, menant leurs attelages par les voies difficiles de la lande, notamment vers Bordeaux, ou via un autre axe aujourd’hui disparu, le « chemin du sel », du Bassin à La Brède.
Le transport vers Bordeaux du charbon de bois et du petit bois destinés aux particuliers, artisans et commerçants représentait un volet important de l’activité. Ces produits servaient au chauffage, à la cuisson des aliments, aux fours de boulangers, mais aussi, pour le charbon de bois, à des applications artisanales sidérurgiques. Les muletiers transportaient aussi de la résine et de la poix vers le port de Bordeaux, ainsi que des victuailles diverses, volailles, denrées agricoles, miel.
En fait, jusqu’au XIIIe siècle on sait fort peu de choses sur Mios et sa population ; on peut seulement se poser de nombreuses questions parmi lesquelles :
– Y avait-il une « mansio », un gîte d’étape, à l’époque gallo-romaine ?
– Outre les indices épars indiqués par le Dr Peyneau, où se trouvait l’habitat gallo-romain : villa, fermes, la ou les nécropoles, les lieux de culte ?
– Le vocable Saint-Martin indique-t-il une église primitive disparue (Ve-VIe siècles) en relation avec l’actuelle église ou une villa hypothétique ?
– Les croupes argileuses du bourg ont-elles fixé des activités anciennes de poterie ?
– Où se trouve l’habitat durant le haut Moyen Âge ?
– À partir de quand Mios a-t-il eu un « centre » ?
… et combien d’autres questions posées aux chercheurs de demain !
La période qui suit est un peu plus riche en renseignements et on voit quelques seigneuries comme Certes, ou des établissements religieux mentionner leurs possessions, parmi lesquelles Mios. Si les principaux châteaux étaient à Audenge, à Lamothe, à la Teste, on peut supposer l’existence de quelques ouvrages défensifs en terre, de moindre importance (mottes) sur notre commune à partir des XIe-XIIe siècles, mais les Miossais devaient cependant assurer le service de garde ailleurs, à Audenge notamment. Il faut souligner que ces « gardes » dues aux seigneurs consistaient surtout à surveiller la mer, car du côté des terres, ce n’étaient que landes et marécages qui protégeaient bien mieux que les modestes « castéras ».
À la fin du Moyen Âge, l’Aquitaine passe de la domination anglaise à celle des rois de France, mais, pour nos Gascons du pays de Buch et de la « petite mer », isolés au milieu de leurs landes souvent inondées, rien ne change vraiment. Les transporteurs de bois, de poix, de sel ou de poissons partis de Salles, de Mios ou des bords de la mer mettent toujours plusieurs jours par de mauvais chemins de sable pour rejoindre la grande ville de Bordeaux. Dans les hameaux, chacun vit pauvrement, en quasi-autarcie : de maigres troupeaux donnent le lait et la viande, et leur fumier, dans nos terres si pauvres, permet de cultiver le seigle pour le pain et la vigne pour le vin.
Les familles portent souvent les mêmes noms et, pour les différencier, beaucoup sont qualifiées par des sobriquets liés au lieu d’habitation, au métier ou à une particularité physique. Ces « chafres » pouvaient se transmettre sur plusieurs générations et sont souvent encore utilisés de nos jours.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les seigneurs locaux cherchent à moderniser la contrée et à augmenter leurs revenus : ils construisent notamment des moulins sur les ruisseaux du bassin de l’Eyre et mettent en valeur les marais du fond du Bassin d’Arcachon inondés à chaque marée.
À la fin du XVIIIe siècle, l’influence des physiocrates entraîne le développement de toutes les richesses agricoles potentielles. De riches bourgeois locaux ou étrangers (tels Gaillard de Beauchamp sur Mios et Damien Nézer sur Le Teich) tentent de nombreuses expériences de « colonisation » de nouvelles terres, avec souvent des déconvenues.
La Révolution française permet le transfert de la propriété des terres cultivées, des seigneurs vers ceux qui les travaillent, et favorise l’émergence d’une bourgeoisie locale avide de changements grâce au libéralisme économique. Tout change avec la Révolution industrielle, trop vite pour beaucoup qui n’acceptent que très difficilement ce passage de la vie agropastorale aux nouvelles activités et aux nouveaux moyens de transport. Les briqueteries et les forges exploitent les richesses locales et inaugurent le passage du travail de la terre à l’industrie naissante.
La loi de 1857 qui impose le drainage des Landes de Gascogne et l’implantation de la grande sylviculture bouleverse complètement la vie des habitants. Les bergers doivent laisser la place aux forestiers qui, après un travail très important de construction de routes et de creusement de fossés ou crastes, plantent et exploitent le pin maritime. Cet arbre qui a toujours existé, sous forme de quelques « pignadars » permettait, déjà avant l’époque romaine, l’exploitation des bois résineux pour en extraire la poix très recherchée pour le calfatage des bateaux. Avec la plantation de cet immense massif de pins maritimes, l’exploitation du bois et de la résine se généralise et l’arrivée du chemin de fer permet de transporter toutes ces richesses entre leurs lieux de production et ceux de leur mise en valeur. Une grande quantité d’établissements industriels voient le jour : les scieries transforment le tronc brut en bois d’œuvre et de nombreuses distilleries de gemme se créent dans tout le territoire, le plus souvent en des endroits proches d’une station du chemin de fer. Le centre bourg de Mios voit ainsi l’établissement, rien qu’autour de la gare, de trois grosses scieries et de deux ateliers à gemme. C’est à Mios que, pour la première fois, on fabrique du papier à partir du bois de pin maritime. En 1884, la ligne des Chemins de fer économiques était en effet venue s’ajouter au réseau des « routes agricoles » décrété le 1er août 1857 et construit par la Compagnie du Midi, permettant à nos populations de se déplacer plus facilement.
On constate donc en conclusion que la commune a traversé l’Histoire en nous laissant des témoignages nombreux pour l’époque préhistorique, mais plus rares pour les périodes pastorales, marquées par l’exploitation des ressources de la forêt, de son bois et des pâturages. Elle est ensuite entrée tout doucement dans « l’ère moderne ». Au cours des deux derniers siècles, les énergies nouvelles, le machinisme à vapeur, le moteur à explosion et enfin l’électricité ont révolutionné les modes de vie et les comportements des habitants, qui, malgré les grosses catastrophes qui ont marqué leur histoire, comme les guerres, les tempêtes et les incendies, ont su continuer à aller de l’avant.
Peu de vestiges anciens ont été conservés et restaurés. Le manque de pierre de construction a fait que la plupart des ruines ont été démolies et récupérées pour reconstruire ailleurs. Cela a été le cas, entre autres, pour les chapelles de Saint-Brice et de Florence. Quant à nos fontaines, elles ont aujourd’hui presque toutes disparu.
Le cadastre napoléonien donne une image de notre territoire avant sa grande transformation par la culture des pins. Napoléon Ier par la loi du 15 septembre 1807 avait imposé que soit dressé ce premier cadastre parcellaire national que l’on connaît sous son nom. C’était un outil destiné à l’établissement des impôts fonciers dans un souci d’équité fiscale. Celui de Mios, terminé en 1826, a été une des bases importantes de nos recherches.
La population de Mios, légèrement croissante pendant tout le XIXe siècle, a subi le choc de la Première Guerre mondiale, puis a repris sa progression régulière jusque dans les années 1970. Depuis cette période, elle est passée de 2 446 habitants en 1975, à près de 8 500 en 2014. Néanmoins, la réputation de village calme et agréable, à mi-chemin entre la ville et la côte, perdure et fait toujours de Mios un lieu de résidence recherché.
Aujourd’hui, grâce au travail de bénévoles épaulés par la coopération des «anciens », nous pouvons raconter une grande partie de l’histoire de notre territoire à travers les noms de ses rues, quartiers et lieux-dits, et nous souhaitons d’agréables découvertes à tous nos lecteurs.
[1] Voir la notice du square Peyneau
[2] Voir bulletin SHAA n° 36.