Biganos, “Les Trois Églises”

Biganos, « Les Trois Églises » !

 

Jusqu’en 1791 Biganos eut trois églises : Saint-Pierre de Comprian, Sainte-Catherine des Argenteyres1 et Saint-Gervais, l’église paroissiale.

 

Saint-Pierre-de-Comprian

Bâtie de bonnes pierres, la chapelle de l’ancien prieuré de Comprian avait la forme d’une croix. Le clocher, reposant sur quatre piliers, s’élevait du centre de la croix et possédait trois cloches.

Le maître-autel était dédié au patron de la chapelle, qui figurait avec Saint-André sur un tableau au-dessus de l’autel. A chaque extrémité du transept il y avait un autel : au Nord, du côté de l’évangile, celui de Saint-Jacques ; au sud, du côté de l’épître, celui de la Sainte Vierge.

La sacristie se trouvait derrière le maître-autel, et le chœur était séparé du transept par un balustre. Du fond de la sacristie jusqu’au balustre on mesurait 22 pieds et 90 pieds du balustre au fond de la nef. Le transept, quant à lui faisait 53 pieds.

La chaire, bâtie en pierres, se trouvait dans la nef du côté de l’évangile.

Il y avait deux entrées, la principale à l’extrémité de la nef, une plus petite dans le bras nord du transept. Le sol de la chapelle était en briques.

Les R.P. Feuillants de Bordeaux détenaient le titre de fondation. Le prieur, titulaire du bénéfice, ne résidait plus à Comprian et le service était assuré par le curé de Biganos.2

Le 27 novembre 1691 M. de Filhot, curé de La Teste, avec pour greffier M. Tillemont, curé de Sanguinet, effectua une visite canonique. Accompagnés par Pierre Andar, le curé de Biganos, les deux inspecteurs se rendirent le matin à Comprian et l’après-midi aux Argenteyres.

Le maître autel de Comprian était dépourvu d’ornements, de nappes et de pierre sacrée. Le tabernacle, « tout dépeint et fort malpropre par le dedans », ne fermait pas à clef. Le tableau au-dessus de l’autel était usé par le temps et « rompu en plusieurs endroits ». Le tabernacle de l’autel de la Vierge « tout vieux et tout gratté » servait de piédestal à une statue de Notre-Dame « assez propre mais se gâtant tous les jours par l’usure du temps ». Le grand tableau qui se trou­vait derrière était « si délabré qu’on ne sait ce qu’il représente ». L’autel de Saint-Jacques ne valait pas mieux.

Sous la charpente de la nef le lambris s’en allait par morceaux et la muraille du côté du Bassin s’éboulait. Le clocher menaçait ruine « pour être découvert en plusieurs endroits ». Il y avait « à dire » pour tout le « thuilier ». La sacristie ne fermait pas à clef et pour tout mobilier n’avait « qu’un méchant coffre tout rom­pu ».

L’inventaire des objets du culte se réduisait à :

– un calice gardé tantôt à Saint-Gervais, tantôt chez Mathieu Millet, voisin de la chapelle. Sa coupe était « très douce en dedans », la patène et « le reste » étaient en bon état.

– deux chasubles « une noire et une autre ». Pour la fête de la Saint-Pierre on était obligé d’emprunter des vêtements liturgiques à Saint-Gervais.

On ensevelissait les morts dans un cimetière « prétendu »et non clos3. Comme « biens » la chapelle n’avait qu’un champ labourable qu’elle possédait depuis un temps immémorial, donnant un quart à un demi boisseau de seigle, et un apié d’environ trente ruches, pris en « gazalhe »4 par François Laville».

 

Sainte-Catherine des Argenteyres

D’après le compte rendu du curé de Filhot du 27 novembre 1691, le pavé de la chapelle Sainte-Catherine était « décarrelé » et enfoncé à plusieurs endroits, le lambris menaçait ruine, mais les murailles étaient bonnes. La chapelle possé­dait un calice en bon état, deux chasubles, une noire et « une pour tous les jours », ainsi que le linge nécessaire au service divin. Par contre en fait de bénitier, il n’y avait qu’un mauvais chaudron, posé sur une pierre.

Les seuls revenus de la chapelle consistaient dans le produit des quêtes que les fabriqueurs faisaient à Saint-Gervais, et dans celui de la quête faite aux Argenteyres le jour de la fête de Sainte-Catherine. Quand il y avait une grosse ré­paration à faire les habitants du hameau se cotisaient entre eux.

Jeanne Dignan, veuve de Jean de Laville, avait légué par testament 75 livres à la chapelle, il y avait plusieurs années, mais ses quatre cohéritiers n’a­vaient encore rien versé.

Autrefois annexe du Barp, la chapelle appartenait aujourd’hui aux R.P. Feuillants de Bordeaux. Le service y était assuré gratuitement par le curé de Biganos, les Feuillants se partageaient l’affermage de la dime avec le prieur de Comprian.

À la suite de cette inspection, seize mois plus tard, le 20 avril 1693, une or­donnance de l’archevêque prescrivit :

– des réparations à Comprian, les frais devant être supportés pour un tiers par le Prieur, pour le reste par les habitants, « les deniers de la fabrique préalable­ment employés ». Le cimetière devait être entouré de « tables »5.

– aux Argenteyres les fabriqueurs devaient faire diligence pour récupérer le legs de 75 livres. Les réparations seraient financées pour un tiers par le curé percevant la dîme, c’est-à-dire les Feuillants, le reste à la charge des habitants, « les aumônes préalablement employées ».

 

Inspections de 1731 et de 1798

Mgr de Maniban, archevêque de Bordeaux, visite la paroisse de Biganos le 5 mai 1731. Il trouve les bâtiments de Comprian et des Argenteyres en bon état, donc les réparations ordonnées en 1693 avaient été faites.

Les autels étaient ornés « avec décence ». On disait la messe à Comprian les jours de la Saint-Pierre, Saint-Marc et Saint-Martial, mais on n’y administrait pas les sacrements. La messe était célébrée aux Argenteyres pour la fête de la Sainte-Croix, et pour celle de Sainte-Catherine, avec en plus ce jour là une proces­sion. Contrairement à Comprian, on pouvait y administrer les sacrements.

Cinquante sept ans plus tard, le 28 janvier 1788, sur commission de Mgr Champion de Cicé, l’abbé Larchevêque, curé de La Teste, accompagné du R. P. Castera, chapelain de N.-D. D’Arcachon, effectue une visite canonique dans la paroisse de Biganos. Le procès verbal d’inspection ne traite que de l’église parois­siale Saint-Gervais. Les chapelles ne doivent plus guère être utilisées, ce qui expli­que leur vente comme biens nationaux, trois ans plus tard.

 

Saint-Gervais seul lieu du Culte

Partout en France, après le vote de la loi du 2 novembre 1789 les lieux du culte en excédent des besoins furent vendus.

L’église paroissiale Saint-Gervais étant suffisante pour la population de la commune de Biganos, Saint-Pierre de Comprian et Sainte-Catherine des Argen­teyres furent vendus comme bien nationaux.

Le 27 janvier 1791, le domaine de Comprian (24 journaux en friche, 15 en près et marais) et le prieuré sont vendus à Marie Portié de La Teste. Le 28 janvier 1792 la chapelle des Argenteyres mise à prix 100 livres est adjugée pour 300 livres à Dupuy de Bordeaux.

Le 5 septembre 1791 le conseil général de Biganos s’oppose à la descente des cloches de Comprian par le sieur Cravey, membre du Conseil Général du Canton de La Teste qui ne peut exhiber d’ordre écrit du district. L’ordre arrive et le 19 septembre les cloches sont enlevées pour être envoyées au Château Trompet­te à Bordeaux. Sur la grosse on pouvait lire le millésime 1641 ; les deux petites pesaient ensemble quatre quintaux.

En 1802 (ou 1803), au cours de son Voyage « Pittoresque et Agricole », Boudon de Saint-Amans remarqua la petite chapelle des Argenteyres. Elle était donc encore debout. Aujourd’hui son emplacement est occupé par une pâture. Sainte-Catherine, qui, selon Oscar Déjean6, pour punir les habitants d’avoir abandonné sa chapelle empêchait toute végétation, là où elle s’était élevée, a du finalement pardonner.

Jean de MOURÉOU

 

1. Aujourd’hui : Argentières

2. En 1731 le prieur était l’abbé Dujac, du diocèse d’Acqs (Dax), âgé de 80 ans, et habitant Saint-Jean-Pied-de-Port.

3. Prétendu, c’est-à-dire non officiel et par conséquent non bénit.

4. en cheptel. Le registre des délibérations du conseil général de la commune de Biganos au moment de la vente de la chapelle, en 1791, comme bien national fait état d’un troupeau de vaches qui ne devait pas être compris dans la vente parce qu’appartenant non au prieuré, mais à la fabrique de la chapelle Saint-Pierre.

5. Planches

6. « Arcachon et ses Environs », par Oscar Dejean

 

Extrait du Bulletin N° 18 de la Société historique et archéologique d’Arcachon et du pays de Buch du 4e trimestre 1978.

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