Le prieuré de Comprian

Le Prieuré de Comprian

 

Le prieuré de Comprian, dans la paroisse de Biganos, fut, avec le prieuré cis­tercien de Notre-Dame des Monts à La Teste, la seule communauté religieuse en Pays de Buch. Le temps de sa notoriété, de son importance comme pôle de la vie religieuse de notre région dura quatre siècles, de l’an 1000 à 1400-1450. Son origine, celle de son église tout au moins, est plus lointaine. Elle se situe avant le 8ème siècle et pourrait remonter aux origines du christianisme.

Comprian ne dut pas son importance à celle de ses bâtiments conventuels et à son patrimoine qui étaient très modestes, mais au fait qu’il fut une étape sur le che­min de Saint-Jacques et surtout un lieu de sépulture pour les premiers captaux de Buch.

Placé sous la dépendance du chapitre de Saint-Seurin de Bordeaux, Comprian était le siège d’un chapitre de chanoines sous l’autorité d’un Prieur. Il devint sei­gneurie ecclésiastique, mais le prieuré vécut essentiellement du revenu des dîmes des paroisses qui lui furent rattachées : Biganos, La Mothe, Lanton et surtout Mérignac.

Le déclin de Comprian commença avant la fin de la guerre de cent ans. Il per­dit progressivement son rôle religieux, ses chanoines puis ses moines. Tout au long des XVII et XVIIIe siècles, Comprian n’était plus que la prébende d’un lointain prieur dont le seul souci était la défense d’une source de revenus.

Au moment de la Révolution, l’église de Comprian, la maison curiale depuis longtemps abandonnée, les quelques arpents de terre qui formaient son patrimoine à Biganos, furent vendus comme biens nationaux. A l’exception d’un ou deux pans de murs, Comprian fut complètement démoli.

HISTOIRE DE COMPRIAN

Emplacement du prieuré

La maison qui, à Biganos, porte le nom de « Prieuré de Comprian », a été construite sur l’emplacement des anciens bâtiments conventuels et de l’église Saint-Pierre.

Le site est précisé dans le procès verbal établi en 1791 en vue de la vente du prieuré. « Bâties sur une pelouse, l’église et la maison curiale étaient situées sur un terrain de 24 journaux (8 hectares), partie en friches, pelouse et petit bois en mau­vais état. Ce terrain confrontait du levant à un chemin qui conduit de Tagon à Comprian, du Nord à un chemin qui mène à l’église du dit lieu, du midi au ruis­seau de Tagon, du couchant à Leyre ». Depuis lors, ce site et ses confrontations n’ont pas changé.

Le texte de 1791, aurait pu préciser que ce terrain forme une petite colline qui s’élève en pente douce de deux à trois mètres d’où l’on découvre l’horizon vers le Sud. Au delà de cette colline couverte de prairies, du même côté Sud du chemin allant au port, existe une seconde colline semblable. Il s’agit dans les deux cas de dunes naturelles et non de buttes artificielles.

Un plan de 1634 – bien que figuratif – montre la position de l’église et du presbytère par rapport au ruisseau de Tagon qui faisait la séparation avec le fief de Lafitte de Tagon1.

Extrait d’une carte de l’Aquitaine de 1642

Le village de Comprian2

Selon la « Chronique de Turpin », Charlemagne donna à St-Seurin de Bor­deaux les églises de Saint-Pierre de Comprian et de Saint-Paul d’Audenge. Ainsi, bien avant la grande époque qui allait du 11ème au 14ème siècle, bien avant la construction de la grande église Saint-Pierre qui semble dater du XIIe siècle, Comprian, comme Audenge, possédait une église et donc un village. Et ce village, situé tout près de la rivière de L’Eyre, facilement accessible, était suffisamment peuplé et actif puisque ses dîmes furent attribuées à Saint-Seurin.

Le développement de Comprian se poursuivit plusieurs siècles encore. L’église Saint-Pierre était trois ou quatre fois plus vaste que toutes celles des villages voisins. Une pareille construction ne pouvait se justifier par la seule apparition des pèlerins de St-Jacques qui ne trouvaient là qu’une étape, mais par les besoins permanents d’une démographie qui atteignit alors son maximum.

Le village, comme le rôle du prieuré, déclina dès la fin du Moyen-Age. Cepen­dant, à la fin du XIVe siècle, Comprian était toujours habité. On y trouve des notables, un chirurgien, le Procureur Pierre Baleste, par exemple. Au moment de la création des salines de Malprat, le Marquis d’Arcambal acheta3 plusieurs maisons situées à côté de l’église, de l’autre côté du chemin, dans lesquelles il logea ses sauniers. A la Révolution, neuf habitants de Comprian seulement s’opposèrent à la vente des objets du culte. Puis les salines furent abandonnées et les maisons disparurent.

Le château de Comprian

Les quatre ou cinq maisons achetées par le Marquis d’Arcambal en 1773, n’étaient pas les seuls vestiges d’un ancien village. Il y avait aussi « le château de Comprian ».

Que pouvait bien désigner un pareil terme au milieu du 18ème siècle ? Pro­bablement pas une ancienne place fortifiée de très lointaine origine, mais avec certitude une construction d’importance assez exceptionnelle.

Sur le plan de 1634 on distingue, tout près du prieuré, un vaste enclos situé entre l’église et les près salés, sur lequel est édifié un ensemble de bâtiments, face à la porte de l’église, en bordure du chemin conduisant à l’Eyre. C’était cela le « Châ­teau de Comprian ».

En 1768, le prieur écrivait4 en effet à ce sujet : « Le Marquis de Civrac a un terrain contre l’Eglise et la maison prieurale… qui est comme enclavé. J’y ai vu les masures d’une grande maison dont Monsieur le marquis de Civrac a vendu les maté­riaux »… Ce domaine ainsi localisé couvrait donc la plus grande partie de la colline de Comprian actuellement en prairies.

Si nous ne savons rien sur l’origine de ce « château », il faut noter l’étroite proximité de cette maison et de l’église ; l’importance du bâtiment qui était en pierres et à étage, son âge enfin puisque, en 1760, il était en ruines. C’est pourquoi on peut penser à une origine très voisine sinon commune de l’église St-Pierre et du « château de Comprian ». Cette origine était-elle seigneuriale ? C’est possible mais invérifiable.

Par contre, on peut trouver quelques précisions sur les propriétaires successifs de ce domaine de 1580 à la Révolution.

Pierre Baleste, le procureur d’Office, qui avait acheté le fief de Lafitte en 1604, était depuis longtemps déjà propriétaire du « château ». Lors de sa faillite. Me Jean Dussol, avocat, ancien juge de Certes, acheta ce petit domaine et le moulin du bas. Ayant eu lui-même des difficultés financières, il revendit ces biens en 16325 au père du prieur de l’époque : Jean Olivier Dussault, Conseiller d’État, Avocat Général au Parlement de Bordeaux.

Ce dernier entreprit des travaux de remise en état et fit construire un moulin à vent sur cette colline bien ventilée. A son décès, la propriété passa à son fils Philibert, puis aux fils de ce dernier Jean Olivier, prieur de St-Étienne de Naillac et Charles Dussault, doyen de St-Émilion. Les deux frères établirent en 17156 une reconnaissance féodale en faveur du prieur de l’époque, concernant « une grande maison dite de Peytaillade avec grange… confrontant les prés salés du prieuré ». Il s’agissait donc bien d’une grande maison à étage, construite en belles pierres taillées, d’où son nom et son appellation ultérieure de « château ».

Les Dussault vendirent Peytaillade au Marquis de Civrac. Sans doute le sei­gneur de Certes était-il un grand créateur, mais il était un homme de son temps, nullement attaché aux choses du passé. Il fit démolir tout à la fois le château féodal de Certes, la tour de la Mothe et le « château » de Comprian dont les pierres furent transportées à Audenge pour la construction d’un nouveau moulin à eau.7

Peu après, le prieur et Civrac procédèrent à un échange de terres. L’enclave où avait été édifié « le château de Comprian » rentra ainsi dans le domaine du prieuré.

Extrait de la carte de Belleyme (cliquer pour agrandir)

L’église Saint-Pierre

Protestant contre l’idée qu’on put en 1680 rétablir la conventualité à Com­prian, le prieur déclarait : « il ne s’y trouve même pas le moindre vestige de lieux monastiques ». Par contre, l’église St-Pierre restait debout et le géographe Claude Masse, qui avait séjourné dans la région à cette époque, nota dans ses mémoires : « Comprian est un prieuré. Son église était autrefois très jolie et bien bâtie, mais l’avarice des prieurs est cause qu’elle est ruinée ».

Le plan de Comprian de 1634, complété par le rapport de visite de l’Arche­vêque de 1731, sinon par celui de 1691, permet de préciser l’état des lieux à la fin du XVIIe siècle.

L’église était orientée ouest-est. L’entrée principale à l’Ouest donnant sur une petite place, face à la grande maison Peytaillade ; le chœur à l’est, comme la sacristie située derrière le maître autel. Le chemin venant de Tagon, allant aux près salés, longeait le mur nord de la nef. Le cimetière était au sud, du côté opposé. Plus précisément, la grande maison actuelle, bâtie à un étage, occupe l’emplacement de la nef. Le grand mur sud de cette maison porte encore deux hautes fenêtres à ogive ; seuls vestiges des murs de l’église. Toutefois, un examen attentif des lieux devrait confirmer que le mur nord de la maison est la partie du mur de l’église.

« Bâtie de bonnes pierres », l’église de Comprian avait la forme d’une croix. Le clocher reposant sur quatre piliers s’élevait au centre de la croix et possédait quatre cloches. Il y avait deux entrées, la principale à l’extrémité de la nef, donc sur la façade ouest ; une plus petite dans le bras nord du transept qui donnait, par conséquent, sur le chemin. Le sol de l’église était en briques et la chaire, bâtie en pierres, se trouvait dans la nef du côté de l’évangile.

Le presbytère était une petite maison à l’angle sud-ouest de l’église, donc à droite de son entrée principale. L’actuelle maison des propriétaires des lieux est construite sur l’emplacement du presbytère avec débordement vers le sud. Les anciennes caves ont été conservées. On y trouve des murs très épais de 40 à 50 centimètres et des poutres d’une pareille importance, taillées sommairement dans des arbres énormes mal équarris.

Le cimetière qui n’était pas clos était au sud de l’église, tout près de l’aile du transept. De récents travaux sanitaires ont mis à jour plusieurs squelettes empilés.

Saint-Pierre était une grande église, pas du tout une chapelle ou un petit oratoire. Du fond de la sacristie jusqu’au balustre, elle mesurait 22 pieds, du balustre au fond de la nef, 90 pieds, soit au total 112 pieds ou 37 mètres, le transept mesurait 53 pieds, soit 18 mètres.

Il y avait 5 autels en 1622, en fin de siècle, il n’y en avait plus que trois. Dans le transept nord, côté évangile, était placé l’autel dédié à St-Jacques, dans le côté sud, l’autel était dédié à Notre-Dame. Le tableau placé au dessus du maître autel représentant St-Pierre et St-Paul, était en si piteux état que l’Archevêque demanda en 1653 qu’il fut enlevé et remplacé.

La visite de 1691 décrivait encore le mauvais état du bâtiment ; le lambris de la nef tombait en morceaux, la muraille côté mer s’écroulait, le clocher menaçait ruines. C’était bien cette église dégradée que Masse avait visitée lui aussi.

Et cependant, contrairement aux descriptions lamentables données par les évêques, les prieurs avaient – tant bien que mal – assuré la survie de leur église.

En 1617, le grand autel avait été refait. En 1640, le prieur Jean-Jacques Dussault déclarait que l’église étant tombée en ruines, avait été rebâtie aux coûts et dépens de son oncle et prédécesseur Philibert Dussault. Ceci était un peu exagéré. Le 18 mars 1634 avait été passé un contrat de travaux entre l’avocat général Olivier Dussault d’une part, et Pierre Faux, charpentier de haute futaye demeurant à Eysines d’autre part, en vue de recouvrir l’église, la maison et la fournière du dit Olivier Dussault. En même temps, le charpentier construisit une grange et un moulin à vent. Le tout pour 50 livres ; les matériaux étant fournis par l’avocat général selon l’usage de l’époque.

En 1693 à la suite de la visite de son délégué, l’archevêque ordonna une nou­velle série de travaux destinés à réparer les dégâts décrits plus haut : charpente, lam­bris, couverture, murs de la nef et du clocher. En même temps, l’archevêque ordon­na l’achat d’une armoire pour les ornements nécessaires à la célébration de la messe, la pose de serrures à la sacristie, la clôture du cimetière.

Pour terminer, Louis d’Anglure de Bourlemont, par la grâce de Dieu et du St-Siège, archevêque de Bordeaux, ordonna que toutes ces dépenses seraient payées pour deux tiers par les habitants et pour un tiers par le prieur.

Hôpital sur le chemin de St-Jacques

Les premières ordonnances de l’archevêque de Bordeaux concernant Com­prian se situent tout à la fin du XIe siècle et le début du XIIe. C’est l’époque où, semble-t-il, l’église St-Pierre fut construite et c’est enfin celle du développement des pèlerinages à St-Jacques de Compostelle.

Il est admis que le chemin des pèlerins Anglais et Bretons commençait à Soulac où ils débarquaient. Ils pouvaient choisir la voie à l’est du Médoc ou bien celle de l’ouest qui longeait les lacs et le Bassin ; celle-ci était jalonnée par les étapes de l’hôpital de Grayan en Médoc, Lacanau, Audenge, Comprian et continuait sur l’hôpital de Mimizan, après avoir traversé l’Eyre à la Mothe. Les Bretons ont laissé trace de leur passage sur ce chemin où le culte de St-Yves est demeuré vivant à Lacanau et surtout à Audenge.

L’origine du prieuré paraît associé à l’existence du pèlerinage à Compostelle. Mais on ne connaît aucun texte de l’époque du Moyen Age qui fasse explicitement état de ce chemin médocain et côtier. Seule la présence d’un autel dédié à St-Jac­ques et situé dans le transept de l’église St-Pierre semble témoigner du passage des pèlerins à Comprian.

Enfin, le rattachement de quatre paroisses au prieuré, toujours à cette époque du XIIe siècle, ne pouvait se justifier que par les besoins financiers de Comprian, hôpital chargé d’accueillir, loger et entretenir les pèlerins de St-Jacques8.

Les captaux de Buch et Comprian

Pierre Amanieu de Bordeaux – qui le premier porta le titre de captal de Buch – rédigea son testament à Mimizan le 20 mars 1300 (A.D. des B.P. – E 120 et AHG tome XLV page 183). Il légua diverses sommes à plusieurs « hôpitaux » maisons religieuses et principales églises. Il fonda un anniversaire pour le repos de l’âme de feue Ysèbe sa première femme, légua cent livres bordelaises pour la célébration de messes pour l’âme d’Assalide, sa mère ensevelie, ainsi que sa femme, dans l’église de Com­prian et auprès desquelles il voulut être inhumé. Cependant, il demanda que son cœur soit déposé dans l’église des Frères Mineurs à Bordeaux. Pierre Amanieu décéda peu après avoir établi son testament.

Ainsi le premier captal, sa mère et son épouse, ont-ils été inhumés à Comprian, mais pas les captaux suivants, ni leur famille. Ainsi Pierre V de Bordeaux, frère aîné du captal et qui était seigneur de Puy Paulin, Castelnau du Médoc et Certes, fut inhumé à St-Seurin de Bordeaux. Les neveux de Pierre Amanieu, Pierre VI et Assalide de Bordeaux qui furent successivement captaux, eurent leur sépulture dans une chapelle construite pour eux au Couvent des Frères Mineurs de Bordeaux.

Sans doute le prestige du prieuré peut-il expliquer l’intérêt que lui porta le premier Captal et sa famille, mais cette explication ne suffit pas. Or, demande l’abbé Baurein dans « les variétés bordelaises », les captaux de Buch et les seigneurs de Puy Paulin auraient-ils été ensevelis dans l’église de Comprian si celle-ci ne leur avait pas été redevable de sa fondation ? On peut souscrire à cette hypothèse.

Pierre V de Bordeaux fut en effet seigneur de plusieurs fiefs désignés par les noms de leurs châteaux (AD. – BJ E 135) : « Mossen Peys de Bordeu lo vielh, dominus Petrus de Burdegala domicellus, dominus de Podio Paulino, de Castronovo in Medulco, de Insula Sancti Feorgi, de Serta et de Compriaco ».

Quelle est la valeur de ce texte postérieur à l’époque même où vécut Pierre V. Il est hors de doute que les « Bordeaux » possédaient les trois premiers châteaux. Mais Comprian ?

Baurein nous fournit à ce sujet une précision intéressante dont, malheureu­sement, il ne donne pas l’origine : « le 30 mai 1305, Pierre VI prêtait hommage pour ses châteaux de Comprian et Castelnau Médoc à son cousin germain Amanieu d’Albret, fils de sa tante Mathe de Bordeaux ».

Ainsi, au début du XIVe siècle, l’existence d’un « château de Comprian » appartenant à la famille « Bordeaux » semble attestée9. Dès lors, l’hypothèse de Baurein sur la fondation du prieuré par les premiers Captaux – tout au moins par leur famille – nous parait parfaitement admissible.

S’il y eut ainsi à Comprian une présence seigneuriale, ce n’est que plus tard que le domaine du prieur reçut la plénitude des prérogatives d’une seigneurie ecclésiastique par transfert, sans doute, des droits des premiers seigneurs laïques.

Longtemps après l’inhumation de Pierre Amanieu, l’intérêt des « Bordeaux » et premiers captaux pour Comprian se manifesta encore. En 1309, par un premier testament, Assalide de Bordeaux, troisième captalesse, léguait 100 livres à Notre-Dame des Monts en Buch, autant à Mimizan et 50 livres à Comprian. En 1366, le Grand Captal Jean III de Grailly eut à confirmer la donation faite au temps de son prédécesseur Amanieu de Buch10 du domaine de Lacanau-Séque (Argenteyre) à l’hôpital du Barp. Il choisit de signer l’acte dans le cloître de Comprian et en pré­sence du Prieur. Témoignage d’un honneur sans doute et qui prouverait que les châteaux féodaux de Certes et de La Teste n’étaient pas encore construits. Deux ans plus tard, le 16 mars 1369, Jean III établit son Testament. Il légua à Comprian 600 écus d’or pour « l’entretien de deux chanoines en plus du nombre actuel pour prier ». Toutefois, le nombre des chanoines ne semble pas avoir dépassé trois. Le legs fut-il jamais versé ? A moins que ses héritiers n’aient jugé que le Grand Captal n’avait pas tellement besoin de prières pour le repos de son âme.

Le Chapitre de Saint-Seurin et Comprian

Si Comprian et Saint-Paul d’Audenge furent bien donnés par Charlemagne à Saint-Seurin, il faut admettre que – au cours des siècles suivants – les autorités seigneuriales remirent en cause cette donation. Et cette opposition d’intérêt fut générale. Tout au long du XIe siècle, les archevêques s’employèrent à reconqué­rir leurs prérogatives et leurs droits contestés par les laies. C’est en 1085, que l’ar­chevêque de Bordeaux Goscelin de Partenay fit restituer au Chapitre de St-Seurin l’église de Comprian (Cartulaire de St-Seurin p.20).

Peu après, en date du 3 novembre 1097, l’archevêque Amat d’Oloron prit une disposition fondamentale pour l’histoire du prieuré. Il confirma « l’accord attribu­ant l’église de Biganos aux chanoines de Comprian sous la dépendance de Saint-Seurin » (cartulaire p. 22). C’est ainsi que le petit chapitre de Saint-Gervais de Biga­nos – survivance du chapitre de l’évêché des Boïens – fut transféré à Comprian avec soumission de ce chapitre de Comprian à celui de St-Seurin. L’autre paroisse la plus voisine, celle de la Mothe, fut aussi rattachée à Comprian afin de conforter le prestige et les ressources du prieuré ; mais nous ignorons à quelle date exacte. Il en fut de même pour Notre-Dame de Lanton.

En 1235 déjà, le prieuré était tenu de verser à l’archevêque trois subsides pour la dîme de Casse (Cassy) et Taussat dans cette paroisse de Lanton. Étant précisé que Taussat n’était qu’une ferme et un bois, et le resta jusqu’au XIXe et Cassy un tout petit village de pêcheurs.

Bien plus important fut le rattachement de la paroisse de Mérignac qui allait assurer les ressources du prieur pendant des siècles. En 1193, l’archevêque Élie de Malemort attribua l’église de Mérignac au prieuré à charge de payer au chapitre un cens de 20 sous et cela mettait fin à un litige ouvert à ce sujet depuis longtemps entre le prieur et Saint-Seurin car Mérignac avait été d’abord une dépendance du chapitre Bordelais (Cartulaire p. 169).

Plusieurs autres décisions intervinrent concernant les droits et obligations du prieuré. Le 20 septembre 1223, les juges délégués par le pape rendirent une sentence définis­sant les droits de St-Seurin sur le prieuré (Cartulaire p.175). Enfin, en 1250 le chapitre, exerçant ses droits et prérogatives excommunia le prieur qui refusait de rap­peler dans le monastère les religieux desservant les paroisses (Cartulaire p. 286).

Le Cartulaire de Saint-Seurin – qui ne donne d’ailleurs pas la totalité des tex­tes pouvant intéresser Comprian – s’arrête au milieu du XIVe siècle.

C’est donc probablement après cette période et sûrement aussi avant la fin de la guerre de Cent ans que le prieuré s’émancipa de la tutelle de Saint-Seurin, qu’il perdit sa vocation éminemment religieuse pour n’être plus dès 1450 qu’une pré­bende canonique.

LE CHAPITRE DE COMPRIAN

Depuis la charte de l’archevêque Amat de 1097, Comprian était donc pourvu d’un prieur et d’un petit chapitre.

C’était un modeste chapitre, en rapport avec l’importance du prieuré. Au mieux il n’y eut jamais plus de trois religieux à Comprian qui furent toujours soumis à la règle de Saint-Augustin.

En 1193, le prieur Bernard était assisté des chanoines Willelmo de Raisac. Petro de Orgoiran, Gaucelmo Rainaut (Cartulaire p. 170).

Nous avons vu que le grand Captal voulait deux chanoines supplémentaires (6 mars 1368). A la même époque – en 1355 – au lendemain de la grande peste qui dévasta la population bordelaise, le nombre des chanoines de Saint-Seurin était tombé de 20 à 5 seulement. La comparaison du nombre des chanoines des deux chapitres, 3 contre 20, démontre bien que, même au moment de son apogée, Com­prian fut un prieuré de très minime importance.*

En 1386 il y avait deux chanoines : Arnaud Forton (Fourton) et Jean Ama­nieu. A la fin de la guerre de Cent Ans, l’administrateur de Ste-Croix, Pierre de Béarn, recevait en sa qualité de prieur le serment d’obéissance de ses chanoines au nombre de trois (27 avril 1452).

Alors le déclin commença et se poursuivit pendant 150 ans.

Le 19 mai 1587, Philibert Dussault, nouveau prieur, prit possession de son prieuré. Le notaire d’Audenge, Jean Dubusquet rédigea le procès-verbal et nota qu’il n’existait qu’un «prêtre et seul religieux» dans le prieuré, nommé Amanieu Degest.

Puis, le vicaire de Biganos assura seul le service des trois églises de Saint-Gervais, Saint-Pierre et Sainte-Catherine d’Argenteyres (visite de l’archevêque en février 1617). En 1625 Pierre de Lascanaux, prêtre, vicaire de Comprian, habitait encore le prieuré, tout en desservant la paroisse. Mais, en raison de l’éloignement de Comprian, de la disparition de la population locale, ce curé se fixa à Biganos. En 1691, il ne faisait plus à Comprian que des visites exceptionnelles. « Lorsque le curé de Biganos va à Comprian le jour de Saint-Pierre et le lendemain des fêtes solennelles, il porte avec lui les ornements sacrés de l’Eglise de Biganos à celle de Comprian » (visite au délégué de l’évêque).

Si l’exercice régulier du culte à Comprian disparut au début du XVIIe siècle, la pratique de l’inhumation se poursuivit longtemps encore autour de l’Eglise.

Comprian, seigneurie ecclésiastique avec droit de justice et sauveté

Comme le chapitre de Saint-Seurin au Moyen Âge, le prieur de Comprian était seigneur foncier et haut justicier.

Dans une déclaration du 25 juillet 1640, concernant les droits du prieur, Jean-Jacques Dussault, prieur, déclarait qu’il possédait les droits de justice entre quatre croix appelés « la Sauvetat », mais il déclarait aussi qu’il n’avait pas trouvé de titre. Sans doute n’y avait-il pas de titre particulier pour la justice car cette prérogative était inhérente à la nature même des fiefs ecclésiastiques au milieu du Moyen Âge.

Nous ignorons où étaient situées les quatre croix qui délimitaient la Sauveté. On trouve cependant au XVIIIe siècle un nom de lieu, tout près du prieuré qui – à défaut de textes – témoignerait de la présence d’une ancienne sauveté11. La configuration quadrangulaire de la Sauveté était sans doute identique à celle de la Sauveté de Mimizan.

Il semble que vers cette année 1640 la question de la justice fut évoquée car on trouve aussi une déclaration d’un vieil Audengeois, datée du 5 mai 1641, attestant qu’il connaissait bien et anciennement l’existence du droit de justice à Comprian. Un peu plus tard, on parle encore de la Sauveté dans une vente d’une coupe de bois à la Broustouse ; acte daté du 24 avril1 662 et signé « dans la maison de la Sauveté ». En 1668, même mention dans une reconnaissance féodale, mais plus simplement, « dans la Sauveté ». On ne dit pas « le prieuré » pour localiser le lieu de la signature, car il n’y a plus de prieuré mais une banale maison.

Ces références sont exceptionnelles. En fait, le mot de « Sauveté » ne recouvre plus aucune réalité juridique. On l’utilise par tradition, pour désigner le domaine du prieuré entourant l’église. Depuis longtemps le prieur n’exerce plus la justice ; il n’a pas de juge, la Sauveté étant trop petite et il n’y a pas de conflit comme il pouvait s’en produire au temps des pèlerinages lorsque Comprian était un vrai vil­lage. En cas de besoin, la justice était rendue par le juge de Certes, c’est-à-dire celui de la paroisse de Biganos. Déjà, en 1627, lors de la prise de possession du prieur Philibert Dussault, le juge nota qu’il avait établi son acte « à Comprian dans la juridiction de Certes ».

Droits et revenus fonciers, querelles au sujet des dîmes

Donc, le prieur de Comprian était un tout petit seigneur foncier. Son domai­ne, dont nous examinerons l’inventaire établi en 1791, ne lui fournissait que des revenus si minimes qu’il ne les déclara pas en 1640. Toutefois, il est intéressant de voir au juste ce que pouvait rapporter ce domaine formé de prairies, de près salés, de petits bois dispersés dans Biganos :

– Le bois de la Broustouse avec ses taillis et ses landes, s’étendait sur une ving­taine de journaux (7 ha) à hauteur des Argenteyre. Ce bois, isolé dans la lande de Certes, fournissait le taillis pour le chauffage du prieur et de ses vicaires. Mais il était aussi affermé pour des coupes et éclaircies régulières tous les dix ou vingt ans (coupes de 1651 –1662, etc.)

– Le pré salé de la Molasse était affermé. Il avait même été donné en bail à fief en 1609 à Pierre Baleste, seigneur de Lafitte. Le prieur s’en était ainsi dessaisi.

– Propriétaire de l’île de Bazaillan située dans l’Eyre face au domaine, le prieur affermait le droit de chasse dans cette île le 19 octobre 1657 ; elle était impropre d’ailleurs à toute autre utilisation. L’île appartint plus tard au seigneur de Certes. Avait-elle été vendue par le prieur ? Plus probablement, sa propriété fut disputée entre les deux seigneurs, comme fut contestée la propriété de l’ensemble des îlots après la Révolution.

– Comme tous les seigneurs côtiers, le prieur possédait aussi les droits de pêche (prise de possession du janvier 1627). Mais en principe seulement, car il ne les exerçait pas, semble-t-il.

Par-delà son domaine de Biganos, le prieur possédait enfin le droit de prendre du bois dans les forêts de La Teste et de Certes pour les besoins des travaux de son église (déclaration de 1640). Il possédait un ancien titre des Captaux à ce sujet.

Les droits fonciers seigneuriaux n’avaient guère plus d’importance. La directité du prieur s’exerçait au XVIIe siècle sur trois maisons, l’une au bourg de Biga nos près de l’église dont Pierre Dubos était propriétaire et qui établit pour cette maison une reconnaissance féodale le 10 avril 1668 rappelant une reconnaissance primitive du 12 février 1456 – l’autre maison beaucoup plus importante était située à Bordeaux, rue de la Devise (reconnaissance du 20 juillet 1776 – Séjourné, Notaire), enfin la grande maison de Peytaillade près du prieuré.

Comme tout seigneur foncier, le prieur percevait les droits de lods et ventes lors des très rares mutations survenues dans les immeubles de sa directité. Ainsi, en 1632 lors de l’achat de Peytaillade, Olivier Dussault paya les lods à son fils, le prieur. Lorsque cette maison fut démolie, le prieur ne manqua pas de souligner que les lods et ventes lui étaient dus sur le prix des matériaux ; mais, plus magna­nime que ses prédécesseurs, il négligea délibérément de percevoir un droit aussi insignifiant.

Si ces rares redevances seigneuriales étaient plus symboliques que réelles, il en fut tout autrement des droits qui frappaient le « Moulin du bas ». Le prieur contestait au Seigneur de Tagon les droits que les seigneurs fonciers prélevaient alors sur les moulins. Un incroyable procès opposa le prieur et le seigneur de Ruât et Tagon. En 1683, on plaidait depuis quarante ans déjà. L’affaire traîna encore plusieurs dizaines d’années. Elle fut liquidée par le captal Jean Baptiste Amanieu de Ruat.

Les six gros dossiers d’archives de Comprian, déposés aux Archives Départe­mentales, ne contiennent aucune allusion à des questions de théologie ou de reli­gion en général. Ces dossiers sont ceux, en effet, des innombrables procédures que les prieurs engagèrent pour la défense de leurs intérêts. Comprian était une prébende et rien d’autre.

Dans cette défense légitime de leur patrimoine et de leurs revenus, les prieurs du XVIIe siècle, les trois Dussault puis l’abbé Dujac, furent infatigables. Leurs succes­seurs mirent plus de modération et de discrétion dans la gestion du prieuré.

Ces questions litigieuses concernaient les dîmes des quatre paroisses ratta­chées au prieuré ; elles se formulaient à peu de chose près de la façon suivante : « Y-a-t-il lieu ou non à percevoir la dîme de tel ou tel lieu ? ». Et, c’est avec un sens inquisitorial et fiscal digne des temps contemporains que les prieurs faisaient la chasse aux dîmes oubliées.

« Dites-moi donc, disait le 15 février 1646 le prieur Jean-Jacques Dussault à l’an­cien curé de Biganos, Jean Miramont, si vous avez un jour administré les sacrements au lieu « Bois de Pichiquart » dans la paroisse de Biganos à un homme qui gardait l’apié des Sieurs Laville ».

Ce commandement notarié signifiait « en pareil cas, les Sieurs Laville sont bons pour me payer la dîme du Bois de Pichiquart ».

Mêmes enquêtes minutieuses à La Mothe. Telle ou telle ferme est-elle bien dans la paroisse ou bien dans Mios. C’est ainsi que nous connaissons par ces requê­tes, quelles étaient les limites de la Mothe au XVIIe siècle.

Certains droits anciens furent revendiqués dans les paroisses de La Teste et de Gujan remontant sans doute au temps des Captaux. Le prieur possédait le droit de dire la messe une fois l’an dans l’église de La Teste. Outre la satisfaction de por­ter la bonne parole aux fidèles de St-Vincent, le prieur entendait conserver par là quelque petit dimon sur cette paroisse. Le 6 janvier 1633, en bonne et due forme nota­riée, le prieur fit donc commandement au curé de La Teste de le laisser dire la messe dans son église ainsi que cela s’était toujours fait.

A Gujan, les droits du prieur étaient aussi anciens et sans doute plus impor­tants puisque le 21 juin 1585 « Martin Taureau, Chantre du chapitre St-Seurin et prieur de Comprian et de son annexe de Gujan », afferma la dîme de cette paroisse. Mais, Gujan avait été donné aux Jésuites par l’archevêque en 1572. Cette donation, comme toutes les autres identiques, créa un conflit d’intérêts. Si en 1585, le prieur fit semblant d’ignorer cette donation de 1572, l’affaire n’était pas réglée. En 1640, le prieur Jean-Jacques Dussault fit une tentative afin de récupérer Gujan. Le 22 Novembre, son notaire adressa une sommation aux Jésuites, demandant la resti­tution de la cure de Gujan : « Jean-Jacques Dussault, prieur de Comprian, en la dite qualité a dit qu’il est seigneur foncier et direct de plusieurs fiefs situés dans la pa­roisse de Gujan ; outre lesquels droits, il a trouvé que la dite paroisse de Gujan est une annexe de son prieuré comme il appert par les contrats d’affermé faits par ses prédécesseurs en 1569 et par les bulles et provisions qui ont été expédiées de Rome ».

Si le prieur proposait d’exhiber des titres d’affermé et des bulles de nomina­tion, il ne possédait sans doute pas les titres d’origine de ses droits sur Gujan car on ne retrouve pas trace d’une suite à ces revendications.

Le fief ecclésiastique d’Argenteyres et sa chapelle Sainte-Catherine donnèrent lieu à des procès innombrables tout au long du XVIIe siècle. Ce fief relevait des Feuillants du Barp, mais se trouvait situé dans Biganos et beaucoup plus rapproché de St-Gervais que de l’église du Barp. Aussi, par commodité, la chapelle Ste-Catherine était-elle desservie par le curé-vicaire de Biganos. C’est pourquoi le prieur s’estimait en droit de prétendre à une fraction de dîme d’Argenteyres et à une participation des Feuillants en paiement de la portion congrue de son vicaire.

En 1640, prieur et Feuillants se trouvaient en plein conflit ; l’affaire de la dîme du bétail était déjà portée au Parlement de Paris. Cette année là, le Vicaire Général du diocèse prit carrément position en faveur du prieur et fit « interdiction aux Feuillants de prêcher à Ste-Catherine qui dépend du Prieur ». C’était aller un peu trop loin car Ste-Catherine avait été reconstruite par le prieur des Feuillants.

Cependant, on arriva à une transaction. Le 14 juin 1641, il fut convenu de par­tager la dîme par moitié « entre les quatre croix », car Argenteyres était aussi déli­mitée par quatre croix. On discuta du partage de la portion congrue du vicaire de Biganos. En 1689 on plaidait encore. Le Conseil du Roi, s’étant prononcé, il y eut nomination d’expert et il fut décidé que les Feuillants paieraient pour Argentey­res le soixantième de la dîme de la paroisse de Biganos.

Le cas d’Argenteyres était important ; celui de la Mothe l’était moins. Cette paroisse n’avait que quelques paroissiens, les récoltes étaient médiocres, la dîme très insuffisante pour assurer l’entretien du curé. Cette dîme fut affermée en 1665 au « passager de la Mothe » pour 165 livres et la portion congrue était de 300 livres. Le prieur trouva une solution à ces difficultés. Il suspendit le paiement de la portion congrue. L’abbé Sanguinet, vicaire de La Mothe, prit la chose ainsi qu’il convenait. Il saisit le sénéchal et le prieur fut condamné à remplir ses obligations.

Les choses allèrent tant bien que mal. Au siècle suivant, la paroisse de La Mo­the fut pratiquement scindée. Par ordonnance de 1772, l’archevêque décida que la rive droite de l’Eyre avec Balanos serait rattachée à Biganos, et la rive gauche au Teich. En 1785, le presbytère, envahi par les ronces et les serpents était en ruine. La charpente de l’église était dans le même état. Quelques années plus tard, Saint-Jean-de-la-Mothe fut démoli.

Le 16 janvier 1679, Monseigneur de Béthune, Archevêque de Bordeaux, prit quatre ordonnances érigeant en vicairies perpétuelles les paroisses de La Mothe, St-Gervais de Biganos, Notre-Dame de Lanton et St-Vincent de Mérignac. (texte latin – ADG – G 762). Le prieur de Comprian réagit vigoureusement contre une pa­reille atteinte à ses droits. D’abord prudent, il exigea de l’archevêque de savoir quels textes permettaient à Monseigneur de nommer des vicaires (18 août 1679). Puis il y eut procès et l’archevêque le perdit (1 janvier 1680). C’est d’ailleurs à la suite de ce jugement que l’archevêque crut habile de soulever la question du rétablissement de la conventualité à Comprian. Ce comportement peu chrétien fut sanctionné. L’ar­chevêque fut encore condamné.

Les revenus du prieur en 1759

De façon constante les prieurs ont affermé la perception de leurs revenus – dîmes ou produits fonciers. Les contrats d’affermé étaient établis par notaire après appel d’offres ; c’est pourquoi on peut puiser dans ces actes authentiques des chiffres sérieux et indiscutables. Cependant, nous nous bornerons à donner ci-après un résumé de la déclaration que fit le prieur en 1759, au bureau des décimes de Bor­deaux. On a vérifié en effet que tous les chiffres figurant dans cette déclaration sont justifiés par les contrats notariés.

Les recettes sont constituées pour le principal par l’afferme des dîmes des quatre paroisses et accessoirement par quelques revenus fonciers. Les dépenses les plus importantes étaient celles des portions congrues qui s’élevaient à 300 livres par prêtre et par an. Les comptes de 1759 ne font pas apparaître les frais d’entretien des maisons curiales pour la raison que ces frais étaient déjà pris en compte dans le montant de l’afferme des dîmes.

RECETTES

– Dîmes de Mérignac : 4 525 livres

– Dîmes de Biganos et La Mothe : 800 livres

– Dîmes de Lanton : 520 livres

Sous-total : 5 845 livres

Revenus exceptionnels : 283 livres

Total : 6 128 livres

DÉPENSES

– Quatre portions congrues à 300 L : 1 200 livres

– Vicaire de Mérignac : 400 livres

– Reversement des dîmes et quartières : 284 livres

Total 1 884 livres

– Evaluation des décimes à verser au roi : 1 150 livres

REVENU NET : 3 094 livres

Si l’on se limite aux paroisses du Pays de Buch, la situation est beaucoup moins belle :

– Dîmes : 1 310 livres

– Portions congrues : 900 livres

NET : 420 livres

Ainsi, le prieuré de Comprian était un très pauvre établissement ecclésiasti­que. Seule la paroisse de Mérignac donnait quelque intérêt à ce bénéfice.

Nomination des prieurs

En 1677, deux personnages obtinrent d’être pourvus du prieuré de Comprian. L’un Denis Dujac, clerc du diocèse de Bayonne, l’autre Etienne Denis nommé par St-Seurin. Un conflit s’ouvrit et une longue et complexe procédure se déroula avec appel au Conseil du Roi. C’est dans le dossier de cette procédure visant à confirmer l’une ou l’autre désignation que l’on peut trouver toutes les précisions concernant les conditions de nomination des prieurs depuis l’origine jusqu’au XVIIe siècle.

Les prieurs de Comprian entraient en possession de leurs églises dès qu’ils recevaient la bulle du Pape, par laquelle ils étaient « pourvus en commande sur la nomination du Roi ». C’est pourquoi on pouvait dire que Comprian était un prieuré royal. Le Roi n’ayant d’ailleurs aucun autre rôle ou prérogative à l’égard du prieuré.

Dans le cas le plus général, la succession d’un prieur s’opérait par résignation du titulaire en faveur d’un nouveau candidat qui lui versait une contrepartie finan­cière telle qu’une rente par exemple. Ce fut le cas en 1637 lorsque Philibert Dussault céda le prieuré à son neveu Philibert Jeune, moyennant mille livres de rente annuelle. Il pouvait y avoir aussi permutation de bénéfice ecclésiastique. Ce même Philibert Dussault aîné était ainsi devenu prieur par permutation avec le prieur Mar­tin Taureau en 1585. Ce mode de succession était constant et ne présentait aucune difficulté et il montre bien que le bénéfice ecclésiastique était un élément patrimo­nial.

Le problème était très différent en cas de décès ; la notion de transmission par testament ne semble pas avoir été retenue. L’histoire de Comprian connut deux seuls cas de cette espèces avant le XVIIIe siècle, l’un en 1518, l’autre en 1677 au décès de Jean Dussault, parent des précédents.

Monsieur Étienne Denis avait été nommé par le chapitre de StSeurin. Il expliquait dans sa requête : « Le prieuré est présentement de la seule collation du chapitre de Saint-Seurin de Bordeaux depuis qu’il n’y a plus de chanoines à Com­prian qui aient le droit de partager la collation de ce bénéfice avec le chapitre de St-Seurin ». Il rappelait que selon la Sentence des délégués du Pape en 1223, le Prieur venant à décéder, les chanoines se rendront dans l’église de St-Seurin et éliront un prieur de leur corps. C’est ainsi que les choses se passèrent en 1518 lors de l’élection de Guillaume de La Case. II existait en effet un acte du syndic des religieux de Comprian adressé au chapitre de St-Seurin pour lui demander confir­mation de l’élection qui venait d’être faite dans l’église St-Jacques de Bordeaux. Il y avait donc élection puis confirmation Ainsi se perpétuait en 1518 la sujétion de Comprian à St-Seurin. Etienne Denis expliquait enfin l’origine de ces dispositions. « Il faut rappeler, disait-il, que la libéralité entraîne le droit à désignation». Notons au passage que le captal de Buch et le seigneur de Certes avaient l’un et l’autre des droits de nomination dans des chapelles bordelaises en tant que successeurs de lointains seigneurs qui avaient construit ces chapelles. C’est parce que le chapitre de Saint-Seurin avait jadis transigé sur ses droits concernant Mérignac, en donnant cette paroisse à Comprian, qu’il avait conservé le droit à désignation.

Denis Dujac n’entendait pas cette forme d’explication rédigée d’ailleurs dans une énorme et très savante étude du droit canon. Ayant préalablement obtenu du roi sa nomination, il se trouvait bien placé pour défendre à la fois sa cause et les prérogatives royales. Il se référait simplement au concordat de 1533 et au mariage de Henri II et de Catherine de Médicis, nièce du pape, et à l’induit de 1531, enre­gistré en 1533, par lequel le Pape accordait à François 1er la nomination à tous les bénéfices réservés par ce concordat ; Comprian était dans le cas visé par ce texte. Pour neutraliser un peu plus les prétentions de son adversaire, Denis Dujac faisait remarquer qu’Etienne Denis n’avait pas été nommé par le chapitre mais par lettre de provision de « l’hebdomadier » qui se trouvait être son oncle. La thèse de Denis Dujac fut bien accueillie et il fut confirmé dans son bénéfice de Comprian par arrêt du Conseil du Roi du23 juin 1677.

Quelques prieurs

LES DUSSAULT :

Trois membres de la famille Dussault de Bordeaux ont été prieurs de Com­prian, à la fin du 16ème siècle et au XVIIe siècle. Philibert Dussault aîné, puis ses neveux Philibert jeune et Jean-Jacques.

Les Dussault furent des parlementaires notoires. Trois furent Avocat Général au Parlement ; un quatrième fut Doyen du Parlement. Charles Dussault, avocat général de 1568 à 1590, avait eu quatre fils,

1 – Charles II – que nous allons retrouver – avocat Général lui aussi ;

2 – Jean-Jacques, Conseiller d’État – prévôt de l’église de Saint-Seurin, fut évêque de Dax de 1599 à 1623 ;

3 – Philibert, prieur de Comprian, chanoine de Saint-Pierre de Saintes, prévôt de Saint-Seurin, doyen de St-André ;

4 – Jean-Olivier, avocat général à la suite de son frère.

Le Prieur – Philibert Dussault, aîné.

Il était devenu prieur à la suite d’une permutation avec Martin Taureau, précédent prieur, du 18 décembre 1585.

Dans des circonstances que nous ignorons, le pape prit deux bulles contra­dictoires et simultanées. L’une en faveur de Nicolas Filleul qui prit possession le 27 avril 1587 ce qui entraîna l’opposition de Philibert Dussault qui, lui aussi, avait reçu la nomination du pape.

Charles II Dussault – Avocat Général au décès de son père de 1590 à son décès survenu le 5 mars 1607.

Sur ses trois fils, deux firent carrière dans la magistrature, le second, Philibert, fut évêque de Dax après son oncle –1623-1632.

Jean Olivier – succéda à son père comme avocat général, de 1607 à 1657. Nommé conseiller d’État et privé de Louis XIII le 10 novembre 1615. Eut un rôle important sous la fronde en particulier. Résigna ses fonctions, âgé de 80 ans, et mourut deux ans plus tard.

Le 25 septembre 1632, il acheta à l’avocat Dussol, habitant de Lanton, le domaine et grande maison situés tout à côté du prieuré dont son fils était en possession.

Il fut le père du prieur Philibert jeune et du prieur Jean-Jacques.

Le Prieur Philibert jeune :

Le 8 janvier 1627, Philibert jeune prit possession du prieuré et aussi de toutes les autres églises annexes. Cet acte de possession ne lui confère aucun titre ecclésiastique, ce qui laisse supposer qu’il n’était pas prêtre. Il se désista en faveur de son frère en 1631. Il nous apparaît qu’il y a identité entre ce prieur éphémère et le conseiller au Parlement des mêmes nom et prénom nommé en 1632.

Philibert Dussault fut doyen au Parlement et décéda dans sa quatre-vingt-dixième année (24 août 1608 au 8 juin 1697). Sa charge fut achetée par Jean-Baptiste Amanieu de Ruat, baron d’Audenge.

Le Prieur Jean-Jacques Dussault

Le 30 janvier 1631, Philibert Dussault avait « résigné en faveur de Jean-Jacques Dussault, clerc tonsuré de Bordeaux et non d’autre », à charge de payer une pension de 1000 L à Philibert Dussault aîné. Nommé par le Roi, il reçut ses bulles datées du 15 mai 1631, et prit possession par procureur, en octobre et novembre.

Déjà Chanoine de Saint-André en 1621, âgé de 20 ans, il devint docteur en théologie, supérieur des Carmélites de Bordeaux, prévôt de l’église collégiale de Saint-Seurin, et mourut en 1675 sans avoir désigné de successeur dans le bénéfice de Comprian.

Sans doute parce qu’ils étaient issus du milieu des parlementaires de Bordeaux les prieurs Dussault furent des procéduriers inlassables. Leur successeur, Denis Dujac ne le fut pas moins.

Denis Dujac

Lors de sa désignation et nomination, Denis Dujac était clerc tonsuré du dio­cèse de Bayonne, bachelier en théologie de la Faculté de Paris. Après un procès au Grand Conseil du Roi, il fut maintenu dans son bénéfice par arrêt du 23 juin 1677. En 1731, âgé de 80 ans, il résidait à St-Jean-Pied-de-Port et mourut quelques années plus tard.

Jean-François Budes de Guébriant

Issu d’une ancienne et très notoire famille de l’aristocratie bretonne, ce prieur fut nommé vers 1735. Habitant Brest, il resta un prieur lointain, venant rarement à Comprian. Il est décédé vers 1775.

Charles Joseph de Gourcy

Il reçut « ses bulles apostoliques de provisions en commande à luy accordées sur nomination du Roi en forme gracieuse par notre Saint-Père le Pape – à St-Pierre le 18 des Calendes de février l’an premier du Pontificat de notre St-Père Pie VI ».

Le curé du Teich reçut mandat du nouveau prieur – habitant alors Paris – pour prendre possession. L’acte en fut dressé le 5 mars 1776 par le notaire Peyjehan de La Teste.

L’abbé de Gourcy fut le dernier prieur de Comprian. Déjà vicaire du diocèse en 1776, il l’était encore lorsque son prieuré fut vendu au titre des biens nationaux en 1791.

Tentative de rétablissement de la vie conventuelle en 1680

Nous avons déjà montré que dès les premières années du XVIIe siècle, Com­prian avait perdu ses activités conventuelles. Il n’était plus prieuré que de nom.

En 1680, un conflit s’ouvrit entre le prieur et l’archevêque. Ces deux person­nes ne s’aimaient pas du tout semble-t-il. D’une part, en effet, l’archevêque avait tenté de soustraire les quatre paroisses de Biganos, La Mothe, Lanton et Mérignac de la mouvance du prieuré en nommant directement des vicaires et, d’autre part, un conflit s’ouvrit au sujet de la conventualité de Comprian.

L’archevêque de Bordeaux se serait en effet avisé de rétablir la conventualité dans le prieuré. Pour le prieur, une telle prétention était reçue comme une catas­trophe financière. Un procès s’ouvrit ; le prieur se voyait à la veille de subir une enquête et une visite des lieux en vue de fixer le nombre des religieux qui seraient rétablis à Comprian. Il adressa alors au Conseil du Roi une requête visant à faire rejeter les prétentions de l’Archevêque. Il décrivait l’impossibilité matérielle d’un tel retour au passé : « Bien loin qu’il y ait au prieuré de Comprian des lieux réguliers pour y recevoir le nombre de dix ou douze religieux au moins, il ne s’y trouve même pas le moindre vestige des lieux réguliers (c’est-à-dire soumis à la règle monacale), joint à cela qu’à l’égard du revenu il y a la même preuve puisqu’il paraît que le tiers du revenu ne serait pas même suffisant pour deux ou trois religieux. »

Sans doute le domaine et le revenu propre du prieur étaient-ils tout à fait modestes, mais il oubliait Mérignac ; il faisait semblant de ne pas comprendre et concluait : « Ce considéré, nos seigneurs, il vous plaira… de décharger dès à présent le suppliant du rétablissement delà conventualité en question avec condamnation de tous dépens, dommages et intérêts contre M. l’Archevêque de Bordeaux et vous ferez bien. »

Monsieur l’archevêque fut condamné et la conventualité de Comprian ne fut plus jamais remise en cause.

LA FIN DU PRIEURÉ

Au moment de la Révolution, les biens appartenant au prieur furent vendus en tant que biens nationaux. Toutefois, les églises de Mérignac, Biganos et Lanton restèrent églises paroissiales et échappèrent à la vente. Mais les terres, près salés, landes et bois, les églises de St-Pierre de Comprian, St-Jean de La Mothe et la Cha­pelle Ste-Catherine d’Argenteyres furent mises en vente.

En 1789, les prieurs de Comprian et du Barp se trouvaient être tous deux vi­caires généraux de l’évêché. Ils étaient aussi chanoines de St-André de Bordeaux. Le prieur, Charles Joseph de Gourcy était en possession de trois groupes d’immeubles évalués autour de 25 000 livres.

– Mérignac, ses bâtiments, jardins et vignes : 10 000 Livres

– Loupes : 10 000 Livres

– Comprian et ses 84 journaux de terres :3 500 Livres

Pierre Portié, fils négociant à La Teste, fut nommé expert judiciaire par déli­bération du Directoire départemental afin d’évaluer Comprian. Il vint à Biganos le 12 avril 1791 et un officier municipal « lui remit une note des objets en possession du prieur ». Il se rendit sur les lieux et dressa un inventaire en huit articles, qui sera détaillé ci-après. L’église et la maison du prieur étaient simplement mentionnées sans aucune description. L’ensemble fut estimé 2 600 livres. Portié ajouta à son procès-verbal un neuvième article pour le bois de la Broustouse, mais sans évalua­tion. Il revint à Biganos le 21, demanda à voir le maire qui le renvoya au sacristain qui n’était au courant de rien. Pierre Portié nota qu’il avait reçu une lettre du sieur Gérard Cravey lui signalant l’existence d’un troupeau de vingt vaches. Il les estima 600 livres. Or, le citoyen Cravey, plein de civisme était le propre beau-frère de Por­tié et on va voir que les Testerins surent concilier leur civisme et leurs intérêts. L’adjudication eut lieu à Bordeaux le 27 juin. Gérard Cravey soumissionna au nom du Sieur d’Arcambal, dont il avait été l’homme d’affaires à Biganos. Il ne manquait pas d’aplomb car le marquis d’Arcambal, créateur des salines de Malprat, était mort ruiné le 19 septembre 1789.

Les enchères s’ouvrirent donc sur la base de 3 500 livres et quatre bourgeois ou notables de la région renchérirent. Au 12ème feu la « demoiselle Marie Portié » était déclarée adjudicataire des huit premiers articles et de vingt vaches pour la somme de 9 200 livres. Le procès-verbal d’adjudication ne précisait pas que cette demoiselle était l’épouse de Gérard Cravey.

Les réticences marquées par le maire et le sacristain n’allèrent pas plus loin que l’expression d’un mouvement d’humeur. Par contre, neuf habitants de Comprian établirent une pétition adressée au directoire du Département. Forts de l’appui et du témoignage de l’Abbé Pierre Turpin d’Audenge, leur ancien curé, ils firent oppo­sition à la vente des vaches, du tabernacle, des livres de prières et des objets du culte12.

L’adjudication eut heu le 27 juin 1791 ; conformément au procès-verbal d’ex­pertise, la vente comportait neuf articles :

1 – un terrain, pelouse, petit bois, église et maison sur : 24 journaux

2 – l’Esquire et Treytin de la Nioye (?) : 31 journaux

3 – Bois au Barrail du Peyrat : 6 journaux

4 – Gourgue et pré-salé de la Molasse en marais : 4 journaux

5 – Petit bois très mauvais au Planet : 8 journaux

6 – Pelouse et landes près du nommé Laville : 2 journaux

7 – Un marais et landes au bois de Caubet près de la tuilerie d’en haut : contenance inconnue

8 – Pré de Sorbet entouré par les possessions du sieur Pardaillan : 11 journaux

9 – Les vingt vaches.

On notera que les terrains vendus n’étaient pas d’un seul tenant mais disper­sés dans Biganos. Le pré de Sorbet était un pré-salé enclavé dans le domaine de Pardaillan.

Le procès-verbal d’adjudication précisait que les cloches et le bois de la Brous­touse étaient exclus de la vente. Conformément à la loi, Madame Portié s’engagea à payer douze pour cent du prix dans la quinzaine et le solde en douze annuités se terminant en 1803.

Les vingt journaux de la Broustouse furent adjugés le 18 janvier 1793 à un certain Josero pour 1 550 livres sur mise à prix de 400 livres. Le même jour, la Chapelle Ste-Catherine mise à prix pour 100 livres était adjugée à Dupuy de Bordeaux pour 300 livres et l’église de la Mothe mise à prix pour 1 100 livres adjugée 2 350 livres à Nicolas, médecin à Mios.

Il est bien clair que tous ces anciens bâtiments religieux ne pouvaient tels quels servir d’habitation ou de grange. Ils étaient trop vastes et leur entretien, celui des charpentes surtout, bien trop onéreux. Leur intérêt était de fournir de la bonne pierre blanche. C’est pourquoi ils trouvèrent preneurs et furent démolis dans les années qui suivirent.

Cependant, l’église de Comprian échappa à une démolition complète et les Cravey, contrairement à la plupart des acquéreurs de biens nationaux, n’avaient pas cherché une spéculation immobilière. Marie Portié s’installa à Comprian ; Gérard Cravey s’employa à remettre en valeur le petit domaine. En 1793, Marie Portié déclarait cultiver 10 journaux ; c’était très peu. La même année son mari fit endi­guer Sorbet au lieu dit L’Esquire, selon les mêmes techniques qui avaient été emplo­yées lors de la création des salines (contrat du 21 janvier 1793 – Dunouguey, notaire).

Nous ne savons pas très exactement quand et par qui l’église St-Pierre fut démolie. Peut-être par les Cravey, peut-être par leurs gendres François Collot ou Henri Daniel13 qui habitaient Comprian, peut-être plus tard par M. Arnaud Ivoy qui acheta Comprian en 1851. En tout cas, la façade, l’abside, le transept, le clocher disparurent. Seuls ont subsisté les vestiges des grands murs de la nef, transformée en bâtiment agricole.

Ainsi Comprian, pôle de la vie religieuse du temps des premiers Captaux, avec ses fastes, ses autels fleuris, ses cierges et ses encens, ses dévotions, ses requiem et ses légendes devint une étable avec ses vaches et son fumier. Miserere !

Le site du Prieuré vers 1930

ANNEXE

Le prieuré après la Révolution

1 – La famille Cravey après la Révolution

Sans entrer dans le détail de la composition de la famille Cravey, on notera deux ou trois dates et contrats importants passés dans cette famille et auxquels on pourrait se référer.

Sur les six enfants de Gérard Cravey et Marie Portié, seule leur fille Marguerite épouse de François Collot eut une descendance.

Nicolas, le fils aîné, qui fut adjudant-général (colonel) sous la Révolution, dans l’armée des Pyrénées, avait acheté le prieuré à ses parents en l’an 10. Il mourut sans descendance, laissant son frère et ses quatre sœurs héritiers de Comprian. Ces cinq Cravey partagèrent en 1807 la maison d’habitation et les propriétés, l’église notamment restant indivise.

En 1851 restaient seuls propriétaires : Gérard Collot pour un tiers, sa nièce Athenaïs Vigneau pour un second tiers et aussi la nue-propriété du troisième tiers dont Henri Daniel, gendre de Cravey, conservait l’usufruit. Pressés par des besoins d’argent, ils vendirent tous leurs lots et droits indivis à M. Arnaud Ivoy, de Bor­deaux, pour un total de 32 000 F (Brannens, notaire de Bordeaux). Le prieuré et le domaine qui avaient subi de complexes partages et démembrements se retrou­vèrent remembrés dans leur état de 1791.

Les transformations du prieuré

Le partage de 1807 donne toutes précisions sur l’état des lieux à ce moment. Il apparaît que la maison d’habitation – agrandie d’une pièce en 1807 était déjà ce qu’elle est aujourd’hui : entrée, deux chambres, une chambre noire, souillarde, cuisine. Deux pièces seulement sur les anciennes caves correspondaient bien à l’ancien presbytère. La cuisine et la souillarde accolées à l’église, situées à l’em­placement de ce qui fut la façade de l’église. Les textes parlent toujours de la ci-devant église. Le bâtiment n’a pas été totalement démoli en effet mais transformé en écurie sur la partie Ouest et en étable à l’Est. On a établi des greniers à l’étage. Le hangar latéral existe déjà. Ainsi, la configuration générale des lieux actuels est dessinée. Toutefois, il est précisé que d’autres démolitions peuvent être entreprises à frais communs.

Comprian, ses trésors et ses mystères

Comme la plupart des châteaux du Moyen Âge, Comprian a ses légendes, celle de son souterrain, celle de son trésor caché. Les Cravey connaissaient ces traditions populaires – très probablement, l’espoir de découvrir dans le vieux prieuré quelque fabuleux trésor avait-il enflammé leur imagination et motivé leur achat.

Voici en effet, ce qu’on Lit dans l’acte de partage de 1807 : « Il demeure convenu que s’il venait à se découvrir dans les lieux qui viennent d’être partagés ou dans les lieux indivis, quelque objet de prix enfoui, le partage égal en sera fait entre tous les co-partageants, les frais de fouilles et autres préalablement distraits. »

Ainsi, cette famille Cravey pourvue de très modestes ressources, avait-elle envisagé d’entreprendre des fouilles et d’éclaircir le mystère qui auréolait leur mai­son. Qu’espéraient-ils donc découvrir ?

La chèvre d’or, bien entendu !

Ils ignoraient sans doute l’histoire de leur église et la présence d’un trésor historique bien plus réel et probable ; celle du tombeau du premier Captal, sous le carreau de leur étable.

Pierre LABAT

SOURCES

Archives Départementales de la Gironde :

série H et G – visites des évêques 1617-1691-1737

série H – non inventoriés – 6 dossiers Comprian

série Q – Hypothèques – transcriptions série Q – Vente des biens nationaux

Q 634, La Mothe, Argenteyre, La Broustouse

Q 403, Comprian série E – Notaires de Bordeaux et de La Teste

Archives Municipales de Bordeaux : Etat civil

Archives imprimées : Cartulaire Saint-Seurin

Archives Mairie de Biganos :

Anciens registres du Conseil – 1791

Autres registres postérieurs

État Civil

Archives Départementales du Lot-et-Garonne : Fonds Durfort de Civrac

 

1. Le fief de Lafitte appartenait depuis des siècles aux Seigneurs de Ruat qui s’intitulaient d’ailleurs « Seigneurs de Ruat, Lafitte, Artiguemale… »

Le 16 Juin 1604, «Jean de Casteja escuyer sieur de Ruat, vendit le fief de Lafitte à Me Pierre Baleste, Procureur d’Office de la Seigneurie et Juridiction de Certes, avec tous les fiefs, rentes, honneurs, droits et devoirs seigneuriaux, terres, etc.». Il ne vendit pas les droits de justice pour la raison que Ruât, qui devait l’hommage aux captaux, ne possé­dait pas ce droit de justice. Pierre Baleste construisit en 1609 un moulin à eau sur le ruisseau de Tagon, en limite ou presque des prés salés. C’était le moulin du bas – ou de Comprian. Baleste fit faillite. La Seigneurie de Lafitte fut adjugée, le 4 octobre 1615, à Izabeau de Gassies, veuve de Jean de Casteja et rentra ainsi dans la mouvance de Ruat. Puis la dame de Ruat vendit quelques années plus tard son château et ses fiefs à Jean Castaing, grand-père des Damanieu qui en héritèrent. Le moulin du bas, saisi également, passa en d’autres mains.

Le plan de 1634 avait été dressé à l’occasion d’un conflit qui opposait le prieur et le seigneur de Lafitte concernant les droits seigneuriaux dus pour le moulin du bas. C’est pourquoi on y voit ce moulin, mais aussi un moulin bien plus ancien dit « de Tagon » situé plus à l’est. Actuellement, on entrevoit encore quelques ruines du moulin de Tagon sous les broussailles. Il n’y a plus de traces du moulin de Comprian.

1. Faut-il préciser que les maisons qui avaient formé le village de Comprian, comme la mé­tairie de Mounays, achetée par Civrac en 1772, n’étaient pas situées dans la directité du prieuré mais dans la « juridiction et terre de Certes ».

3. Actes chez Dunouguey, notaire en 1773.

4. AD. Lot-et-Garonne – Fonds Durfort-Civrac – dossier Certes.

5. Contrat du 25 septembre 1632 chez Conilh, notaire à Bordeaux : maison, grange, fournière, écurie, jardin, terre complantée de vignes environnée de haies et fossés. Pour 3 000 li­vres. On ne parle pas de « château ». Il semble que ce terme fut en usage ultérieurement.

6. Notaire Lalanne de Bordeaux du 6.3.1715.

7. AJ5. Agen – Fonds Durfort – Certes – Instructions données par Civrac vers 1759/60. « Il fera porter les pierres de Comprian, voulant que tout le moulin soit construit en pierres ». Archives nationales T 321 – Marché du 23 novembre 1766 pour transporter : – de la pierre du château de Certes, – de la pierre du château de Comprian, à deux voyages par jour à raison de 55 sols la journée.

8. Les petits prieurés de notre région avaient, en général, le rôle d’hôpital ou d’étape pour les pèlerinages. Le Barp ou Béliet par exemple.

D’ailleurs, à la date très tardive de 1723, le prieur Commandataire du prieuré de Beliet précisait « il y a quatre chênes devant la maison de l’hôpital pour faire ombre aux pèle­rins durant les chaleurs ardentes de l’été » (A.D.G. – G 833). Aucune déclaration sem­blable n’a été trouvée pour Comprian.

9. La grande maison de Peytaillade était-elle un vestige de ce château du Moyen-Âge ? Compte tenu de sa situation, de son importance, de la nature de sa construction, cela nous paraît vraisemblable.

10. Le fief d’Argenteyre dépendait en toute directité du prieur du Barp. Il lui avait été donné par Olivier de Pommiers l’an 1 220 ; la dite donation fut confirmée par J. de Grailly, Captal, le 9 juillet 1366 (A.D.G. – H Feuillants 632).

11. Le 4 janvier 1773, le marquis d’Arcambal achetait une maison de pierre et torchis à Comprian, près du prieuré, chemin entre deux et aussi une pièce près de la précédente à « La Croix ».

12. La pétition était datée du 10 Juillet. La vente avait eu lieu 15 jours plus tôt. Les habi­tants de Comprian s’étaient laissés endormir (AD.G. 4 L 138)

13. Le 20 mars 1813, Marie Portié, âgée de 64 ans, décédait dans sa maison de Comprian. Son mari, dont elle semble avoir été séparée, finit ses jours à La Teste le 2 septembre 1831. Henri Daniel fut maire de Biganos de 1826 à 1831.

En 1958, l’église servait d’étable (Revue Historique de Bordeaux). Actuellement, l’en­semble du bâtiment est habité.

 

Extrait du Bulletin n° 35 du 1er trimestre 1983 de la Société Historique et Archéologique d’Arcachon et du Pays de Buch.

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