Voyage au Bassin d’Arcachon en 1854
En 1854, J.-B. Couve construisit à Arcachon un des premiers chalets, édifiés sur cette plage ravissante, mais alors presque inconnue. Nous devons à l’amitié d’un ancien Arcachonnais, communication de poésies inédites de M. Couve, et qui ont pour titre : Voyage au Bassin d’Arcachon. Cet opuscule comprend trois parties : La Route, Le séjour, La Côte. Il est présenté sous forme de couplets qui se chantent, en général des chansons de Désaugiers.
LA ROUTE
Air du Bel Oiseau
A la maison Gobineau (1)
Devant la foule
On déroule
Chaque jour un écriteau
Pour voir un pays nouveau.
C’est grâce aux chemins de fer
Qu’un public nombreux voyage
Fendre l’air
Comme un éclair
Désormais c’est une rage.
Vous, solliciteur ardent
Qu’un refus jamais ne lasse,
Allons, partez à l’instant
Pour Paris, grand bien vous fasse.
Vous, jeune couple élégant,
Visitez la capitale
Pour figurer à Longchamp
Ou dormir dans une stalle.
Vous, intrépide amateur
Qui dédaignez nos campagnes
Allez franchir la hauteur
Des plus lointaines montagnes.
Que chacun suivant son goût
Cherche un pays de Cocagne
Gobineau mène partout
En prenant M. Cazagne (2)
Préférant l’omnibus vert
Je veux partir pour La Teste
C’est moins long et c’est moins cher
Pour être heureux, soit modeste.
Air de Marianne
Passant par la place Dauphine
Avec ma personne et mon sac
L’omnibus lentement chemine
Vers la barrière de Pessac
Chemin facile
L’Hôtel de ville
Par la prison nous mène au tribunal
Où la justice
Fait que l’on glisse
Très sûrement hélas, à l’hôpital.
St-Raphaël je me prosterne
Devant ta noble majesté
J’aime la gloire, en vérité,
Qui reste à la caserne.
Air : Vivent les amours
À cinq heures après-midi,
Le samedi
À Ségur (3)
On est sûr
De trouver un locomoteur
Plein de chaleur
Qui mène à la vapeur.
On siffle et l’on part
Sans retard.
Voici Latour (4)
Et Chollet à l’entour
Puis par un bond
Au prompt wagon
La Mission
Nous met sur Haut-Brion.
Ce castel fameux
À mes yeux
Montre son front noble majestueux.
Mais j’aime mieux
Son vin vieux
Crû de Larrieux (5)
C’est le nectar des dieux.
Air : Mon père était pot
Nous marchions sur un viaduc
Après la Médoquine
De Monsieur de Vergès le truc (6)
Est fameux j’imagine.
C’est un beau morceau,
Il me place haut.
Je règne sur l’espace
Je me fais l’effet
D’un roi, d’un préfet,
Qu’on laisse encore en place.
Nous venons d’atteindre Pessac (7)
Ses tombeaux, son église.
Un bon gendarme plein de tact
Nous surveille à sa guise.
Le Pape Clément (8)
Planta le sarment
Dans cette aride grave,
Pour l’excellent vin
de ce jus divin
Ah ! Que n’ai-je une cave !
Air de la Chasse de Marty
Un bout de forêt
mène à Gazinet
Pour moi deuil, regret !
Car dans l’horizon
Point de vert gazon,
Chanvres et froments
Sont tous deux absents.
Partout, partout du pin !
Quelle abondance
En cette plaine immense
Partout, partout du pin.
Avec ce pin
On peut mourir de faim.
Le luxe du sol
C’est le tournesol
Il s’épanouit
Et nous éblouit
Puis en fait d’odeur
La noire vapeur
Nous fume souvent
Par l’effet du vent.
Partout, partout du pin !
Air : Un homme pour faire un tableau
À Gazinet, les Peyrera (9)
Ont établi leur domicile.
Par leurs soins, le pin prospéra
Cette lande devint fertile.
Si de notre cher directeur
La vapeur était meurtrière
Par son grand savoir le docteur
Réparerait les torts du frère.
Mais que parlai-je en vérité
Et d’accidents et de blessures
Ici pas de témérité.
Des wagons, modeste est l’allure
Pour les voyageurs ce chemin
Se montra toujours débonnaire, jamais il ne fit de chagrin
Qu’aux malheureux actionnaires (10).
Air du Galoubet
À toctoucau (11),
C’est là qu’un ami qu’on regrette
Dont le cœur était bon et chaud
Bâtit jadis sa maisonnette,
De l’amitié payons la dette
À Toctoucau.
Air : L’amour ainsi que la nature
À Marcheprime on s’arrête,
La machine prend son eau,
Et bientôt chacun s’apprête
À visiter un caveau.
Hélas ! À la Tête Noire,
Le vin n’est pas abondant,
Et ce n’est jamais pour boire…
Que des wagons on descend.
Air : Paillasse
Facture !
Cet heureux cri
À retenti.
Facture !
Nous y voici.
Des gens à bizarre tournure,
Montent à cheval, en voiture,
Les uns partent pour Andernos
D’autres pour lège et Biganos.
Ce chasseur fera sa pâture
Dit-il, de toute la nature.
Avec son fusil et son chien,
Ce chasseur part et ouis revient,
Mais ne rapporte rien.
Ce lieu dans sa triste nature
Présente pour toute parure
Des amas de fer et de bois,
Et des troupes de villageois
Aux discordantes voix.
Air : Je loge au quatrième étage.
À peine a-t-on passé facture
Que la Leyre nous apparaît.
Ah ! Rendons grâce à la nature
De ce ruisseau riant, coquet.
C’est un éclair dans le nuage
Une oasis dans le désert
De Désaugiers, c’est une page
Au milieu de mes tristes vers.
Air : Amis, voici la riante semaine.
Voici Lamothe, et bientôt pour Bayonne
Le train de fer ici s’élancera…
Ah ! Dans mon cœur en ce moment rayonne
Le souvenir de ce bon Mestrezat (12).
Ce digne ami qui dévoua sa vie
Pendant dix ans a rêvé ce projet,
Et puis hélas quand elle fut ravie,
Après nos pleurs est venu le décret.
Mais ce décret, c’est l’éclatant hommage
Rendu plus tard à ce bon citoyen
Pour rapprocher de la Seine le Tage
Lamothe était le plus sûr et prompt moyen.
De Mestrezat bénissons la mémoire,
Car ses labeurs ont fait notre avenir.
En inscrivant son nom dans votre histoire,
Bordeaux ! Gardez toujours son souvenir.
Air : Restez troupe jolie.
Le train poursuivant sa carrière
Au Teich nous arrête un instant
Et des wagons on considère
De Ruat le tableau charmant (13).
Mais qu’est-ce donc que l’apparence,
Auprès de la réalité.
La grâce y fait sa résidence
Et donne l’hospitalité.
Ce Paris qui nous prend sans cesse
Tout ce que nous avons de bon
Nous a ravi l’enchanteresse
Qui régnait sur cette maison.
Ruat, de ta jeune maîtresse
On a pris la main et le cœur,
Et pour cette double richesse
La gloire a promis le bonheur.
Air des Gueux, de Béranger
La mer !
La mer !
Du chemin de fer,
Chacun est en l’air,
Pour voir la mer.
D’ici le Bassin dessine
Tous ses gracieux contours.
Sur ses bords, je m’imagine
Voir folâtrer les amours.
C’est Gujan et sa baignoire,
C’est Mestras et ses royans.
Ici l’onde est un peu noire
Pour faire baigner les gens.
Passons la Hume avec vitesse
Le chauffeur intelligent
Va redoubler de prestesse
Car dans la gare on l’attend.
C’est au loin, dans cette plaine
Que le bien nommé Ferris (14)
De l’or a trouvé la veine
En faisant pousser du riz.
De défunte Compagnie (15)
On aperçoit les débris,
Aux actions qui se fie
Tôt ou tard on a des soucis.
Air : Lorsque le Champagne, de Désaugiers.
Le but du voyage
Désormais atteint,
Soudain
me laisse volage
Jusqu’au lendemain.
Mais quel tintamarre
J’entends dans la gare
Chacun crie : Gare
Pour retrouver son bien.
L’un cherche sa mère,
Celle-ci son père,
Le célibataire
Hélas ! ne cherche rien…
L’un traitant le Phare
De chose très rare,
Veut qu’on se prépare
À prendre son bateau.
Un autre me vante
Une rossinante
Qui très peu me tente
Pour courir le coteau.
Air : Une fille est un oiseau
Je quitte la gare enfin.
Dès que je suis dans la rue,
Sur mon sac chacun se rue
Pour me conduire au Bassin.
Mon esprit est en balance
Pour donner la préférence
Dans mon choix je cours la chance
De faire bien des jaloux.
Chaque omnibus me convie
Mais malgré ma bonne envie
Je ne puis les prendre tous.
Air des Cancans
Casaubon ! (16)
Casaubon !
C’est mon seul automédon.
C’est le roi d’Arcachon,
C’est l’hôte de Mérillon.
Je n’empêche pas du tout,
Que d’autres prennent Lestout,
Legallais, Seguin, Lauba,
Gaillard, Borie ou Lesca (17).
Notre essieu n’est pas neuf,
L’omnibus plein comme un œuf,
Casaubon rempli d’ardeur,
C’est le cas d’avoir du cœur.
Entre deux eaux nous marchons
Et souvent nous trébuchons.
Quel serait hélas ! mon sort,
Si j’allais périr au port.
Mais j’aperçois le Bassin
Au bout de notre chemin
Et la crainte en moment
Fait place au ravissement.
LE SÉJOUR
Air : La Treille de sincérité.
Oui, je l’atteste,
C’est à La Teste,
Pour rajeunir,
Qu’il faut venir.
Ah ! si vous avez du loisir
La Teste est le lieu du plaisir.
Ce sont plaisirs de tous les âges,
Plaisirs des enfants et des vieux.
Plaisirs des jeunes gens volages,
Plaisirs des esprits sérieux.
On y folâtre et l’on y rêve.
Si Vénus naît du sein des flots
Arcachon que de filles d’Eve
Je vois se plonger dans tes eaux !
Que j’aime, assis sur le rivage,
Voir les pêcheurs dans le lointain
Aller en bravant le naufrage
À la mer demander leur pain.
Pour chaque voile déployée
Je désire un heureux destin,
Et j’attends qu’avec la marée
Ils nous rapportent leur butin.
J’aime à voir sur l’onde argentée
Le soir scintiller les flambeaux.
J’aime à voir la voûte azurée
Se réfléchissant dans les eaux.
Ma pensée alors se dégage
Dans le silence de la nuit,
Mon âme abandonne la plage
Et vers l’infini me conduit.
Avez-vous du goût pour la chasse ?
En face est l’Île aux Oiseaux.
De Damain poursuivez la trace (18)
Vous rapporterez des levrauts,
Des palombes, des courbageots.
Ou si votre humeur vagabonde,
Du cheval vous rendait épris,
En chevaux doux la côte abonde
Qui n’ont jamais gagné de prix.
La forêt est pleine de charmes,
C’est un trésor pour nos herbiers.
Des pins je vois couler des larmes
Qui font rire nos résiniers.
Dans ce pays, jadis la dune
Etait l’effroi du nautonier,
Mais le grand courroux de Neptune (19)
Recula devant Brémontier.
Le samedi, quand dans la plaine
Les omnibus viennent complets
On peut de la nature humaine
Surprendre les replis secrets…
Ici les plus chaudes alarmes
Des mères pour des fils chéris
Là des femmes pleines de charmes
Comptant sur de tendres maris.
Les regrets, l’espoir et le doute,
Le bonheur, parfois le dépit,
Tout cela se voit sur la route,
Chacun s’observe et l’on en rit.
Mais pour notre humaine faiblesse
La mer est un consolateur,
Le grand air calme la tristesse,
Vague d’eau prend vague du cœur.
Lubbert, Anglas, leur compagnie (20)
Au Bassin prennent leurs ébats.
Cher Cellerier, voici leur vie :
Boire à longs traits, rire aux éclats
Mais chez eux jamais la bombance
De justes bornes ne franchit,
La société de Tempérance
Tempère tout hormis l’esprit (21)
Mais si, pour les plaisir du monde
Votre âge vous donnait du goût
Monsieur Lamarque vous seconde (22)
Son programme suffit à tout :
Tombola, bal, joute, régate,
Vous sont offerts à l’unisson,
Et son amitié qui me flatte
Donna naissance à ma chanson.
LA CÔTE
Air : La Valse des Comédiens
Comment narrer toute la bigarrure
Des divers lieux habités au Bassin,
Depuis le chaume, abri de la nature,
Jusqu’au boudoir du brillant citadin ?
En bois de pin, la modeste masure
Où le dimanche on met la poule au pot,
Ou la villa de belle architecture
Que dessina le crayon de Duphot (23).
Sur terre, hélas ! la loi de la nature
Départ les biens avec diversité,
Mais dans la mer, la lame sans murmure
Nous frappe tous avec égalité.
Voici Lesca, cet ancien de la côte
Grand pourvoyeur d’un excellent poisson.
Le goujon, qui dans sa poêle saute
Retient chez lui les viveurs sans façon.
Voici Thomas, pâtissier sans reproche,
Qu’annonce au loin son bizarre décor
Très renommé pour l’éclair, la brioche.
Quand on en mange, ont dit toujours : encor !
Puis Dumora, le frère du notaire,
Puis Célérier, en face de Dignac,
Auprès d’Isly ce grand nom qu’on révère
Enfin Bon Air, le nom commun d’Eyrac.
Le Casino, Caron de telle sorte
Le décora, qu’il est toujours nouveau.
Gaillard hélas, Gaillard est à la porte, (24)
Morel allume aujourd’hui le fourneau.
Gaillard renaît vis-à-vis sur la route
Dans sa famille au restaurant d’Eyrac.
Avec plaisir on y casse la croûte
Près de Taffard et de Monsieur Pontac.
Enfin voici le consul de Hollande, (25)
Nous admirons son verdoyant jardin,
De ses maisons l’agréable guirlande
Un esprit droit en a fait le dessin.
Après Hovy, Mestrezat presque en face,
Le grand Venot, habile fournisseur,
Sur son poney, son fils franchit l’espace,
Pour faire voir aux clients son ardeur.
De Legallais, Nestor de la contrée
Voici l’hôtel. Le fils est gracieux
La foule y court, à peine débarquée
Et chaque jour, elle s’y trouve mieux.
D’Espeleta, le grand terrain demande
Une maison : l’hidalgo fait le sourd.
Debans fait voir ce qu’on peut dans la lande
Et combien il sait embellir un séjour.
De Mérillon admirons les tourelles.
Gautier voudrait rajeunir Monsarrat.
Nous arrivons aux deux maisons jumelles
Où Monkowsky travaille pour l’état (26)
On peut fumer, chez Legallais, le père ; (27)
Ou de gâteaux chez Daussy se munir.
Ah ! respirons devant l’embarcadère
Trois fois salut, il va bientôt finir (28).
Air du ménage de garçons
Du pays de la Cannebière
Admirons les nobles couleurs
De son drapeau Marseille est fière ( 29)
Ses enfants en font les honneurs.
Arcachon, Méditerranée,
Vos mères sont sœurs, et je le sens.
Si je dois le jour à l’aînée,
À l’autre je devais mes chants.
Air du jaloux malgré lui
Bientôt, grâce à Monsieur Péreire (30)
Le financier, l’homme chemin
Nous aurons à l’embarcadère
Une gare auprès du Bassin.
À travers les bois et la dune
Nous verrons venir le wagon
Emile ayant fait sa fortune,
Va faire celle d’Arcachon.
Air du Verre
N’oublions pas l’ingénieur
Qui d’Arcachon traça la route
De son génie et de son cœur
En ces lieux personne ne doute.
Grand prêtre de la charité
Le nom d’Alphand partout rayonne (31)
Du Bassin la prospérité
Est un fleuron de sa couronne.
Air de la servante justifiée
Dans la forêt, perspective agréable
Deganne au loin a bâti sa maison.
Sur son fronton, Ropp, un artiste aimable (32)
De sa patronne a fait graver le nom.
La lyre est là, la lyre du poète
Et l’harmonie habite en cet endroit.
Fidèle écho, vous redites la fête
Qui chaque jour éclate sous son toit.
Air de la robe et des bottes
Siècles passés, allez-vous donc renaître,
Pour qui sont-ils, ces donjons, ces créneaux ?
Du Moyen-âge il leur faudrait un maître,
À ce Chambord, il faudrait des vassaux, (33)
Sur le perron de sa bâtisse immense,
Deganne au loin comme le terrain
Et le pays dans sa reconnaissance
L’a surnommé son heureux suzerain.
Air : À 60 ans, il ne faut pas remettre.
Les deux drapeaux de France et d’Angleterre
Sur deux manoirs flottent majestueux.
les suzerains ne se sont fait la guerre
Qu’en procédés élégants gracieux.
La bonne humeur de Cutler vous en chante
Et de Johnston la grâce vous séduit.
Point de barrière. Une solide entente (34)
France, Albion, ici vous réunit.
Air : Dites-moi donc, ma chère.
Voyez la bonne mine
De la maison Portal (35)
Nom cher à la marine,
Aimé du littoral.
Quand Portal on s’appelle
Bâtir près du bassin
C’est demeurer fidèle
Au paternel destin.
Air du pas redoublé d’infanterie.
Depuis Portal jusqu’à Méran,
La bâtisse fourmille,
Richon au Sud, Richon devant ;
Et puis Gauthier, Lahille ;
St-Louis, St-Georges, Wesenthal ;
Sainte-Anne, Bellevue ;
Les chanter tous, c’est infernal
Et ma muse est vaincue.
Air : Mon père était pot.
Qu’en dites-vous Monsieur Durand (36)
La chose est singulière
Vous avez fait le bâtiment
Après votre parterre ;
Les fleurs, le gazon,
Avant la maison.
Avouez, cela jure.
Vous savez pourtant
Tout mettre en son rang
Dans votre procédure.
Air : Je suis né natif de Ferrare.
D’Arcachon voici le poète (37)
Il a placé sa maisonnette
Dans un coin du bassin d’Eyrac.
Le choix du lieu fait voir son tact
Pour avoir une ample abondance
De sel, d’esprit, voyez la chance,
Il a bâti l’heureux Lacou (38)
Près de Poujaud et de Delclou (39).
Air du Charlatanisme.
Poujaud, Durand, Sollberg, Gouzil, (40)
Vos maison, rien ne les sépare,
Entre elles pour placer un fil
Il faudrait une adresse rare.
Pourquoi séparer, juste ciel,
Ce qu’ici le bon goût découvre,
Ce ne serait pas naturel,
Car les tableaux de Raphaël
Ont été réunis au Louvre.
Air : Sommeillez encore, ma chère
Avant d’arriver à Cybèle (41)
Nous saluons M. Déjean
Mon esprit à mon droit rebelle
Ne veut pas aller plus avant
Pourquoi courir après Cybèle
Quand je trouve ici mille attraits.
Je me tais, craignant la querelle
De Monsieur le Juge de paix.
Air des maris ont tort.
Dans cet amas de maisonnettes,
Je reconnais M. Bourquin (42).
C’est souvent l’heure des tempêtes
Pour ses hangars sur le Bassin.
Que d’enfants, de pleurs, de tapage,
de cris et de bruyants propos !
Pourtant, Bourquin a le courage
d’appeler ce lieu : Mon Repos.
Air : Vive le vin de Ramponneau.
Voici Durand de l’Aveyron (43)
Que sans méprise
On prise
Il aura le prix Monthyon
car il fut à la pension
Jadis il fut sous-censeur
On craignait sa rigueur
Sur les bancs du collège.
Ici sur notre Bassin
Il est doux et bénin.
Sylvanès le protège (44).
Air : Du haut en bas.
Voici Caron (45)
ce n’est pas celui de la fable,
Vive Caron,
Car il n’a rien de l’Achéron
Par l’effet d’un talent aimable
On ne voir rien que d’agréable
Chez ce caron.
Air : Contentons-nous d’une bouteille.
Après Duprat et Magonty, Dellile,
Après Lafont, de Marpon et Moureau,
Puis un docteur jeune encor mais habile (46)
Qui dans ces lieux veut planter son drapeau.
Il fut jadis lauréat du collège
Sur le Bassin son talent va grandir
Le souvenir d’un père le protège
Et le passé répond de l’avenir.
Air de la Catacona
Enfin voici la résidence
Du magistrat municipal.
Il plaît à tous, son nom Plaisance (47)
À coup sûr ne lui va pas mal.
À la fois digne et populaire
Tel que Bestave avait été (48)
Par sa bonté
Sa charité
Son dévouement et son intégrité
Non seulement il est le Maire
Mais le père de la cité.
Air : Mon père était pot.
Je suis devant Villanova (49)
Après Monsieur Bestave
Le Polonais l’édifia
Du grenier à la cave.
Puis après Conquet
Le joli chalet
De Durand près de Gièse (50)
Le pauvre Liber
Cloué sur la mer
N’est pas trop à son aise.
Je vois sur le Bassin d’Arcachon
Une chose à sa place
C’est une maison de Poisson (52)
À Bersot rendons grâce !
Encor Liber
Auprès de Riber
L’un à l’autre ressemble.
C’est heureux pour moi
Car je reste coi
S’ils ne rimaient ensemble.
Air : Paillasse.
Bataille
Avec les flots
Bataille
Point de repos.
Dans ce coin de l’abbé Bataille (53)
Où la mer souvent le travaille
Le bon abbé répond toujours
En jeux de mots, en calembours.
Ce bon abbé, pour la marmaille
N’a pas un cœur doublé d’écaille.
Pour les lycéens ses enfants
Chacun connaît ses sentiments
Si tendre, si touchants.
Son gai cerveau toujours travaille
Et quand il a fait la trouvaille
D’un mot piquant, d’un mot heureux,
En tous cas, toujours gracieux, son front est radieux.
Air : Un homme pour faire un tableau.
L’abbé Bataille au Général (54)
Vient de vendre son ermitage,
Un petit chalet sans égal
C’est bien la demeure d’un sage.
Il est naturel qu’un héros
Quand la fatigue le travaille
Pour avoir un peu de repos
Fasse choix d’un champ de Bataille.
Air : La robe et les bottes.
Quand l’ouragan mugit dans sa colère
Et de la passe obscurcit le chemin (55)
La phare au loin projetant sa lumière,
Par sa clarté rassure le marin.
Mais plus heureux l’homme dont la jeunesse
Quand en son sein, la passion frémit,
Pour phare a pris l’éternelle sagesse,
Et lui soumet son cœur et son esprit.
Arrêtons-nous au seuil de la chapelle
Le bruit du monde en ces lieux doit cesser.
Recueillons-nous, la cloche nous appelle
Et que nos fronts soient prêts à s’abaisser.
Ciel, terre, et mer, et forêt, et rivage,
De notre Dieu racontent la bonté.
Ah ! comprenons en voyant son ouvrage,
Notre néant, et son immensité.
En pénétrant au fond du sanctuaire,
N’oublions pas les familles sans pain
Et qu’au seigneur celui qui cherche à plaire
Doit élargir et son cœur et sa main :
Donnez, donnez, car on souffre à La Teste,
Donnez gaiement, montrez-vous généreux,
Vous le savez, après nous il ne reste
Que ce qu’ici, lon donne aux malheureux.
Air de la Servante Justifiée.
À travers champs, ma muse a pris sa course
Pour vous décrire un immense terrain
Si mes couplets font ouvrir votre bourse
Je suis heureux, mon travail n’est pas vain.
À mes périls, j’écoutai la requête
Du magistrat, ami des malheureux, (56)
À votre tour, écoutez le poète
Par vos bienfaits vous comblerez ses vœux.
Air : Grenadier que tu m’affliges
Voilà donc toute l’histoire
Dont je suis le narrateur,
Gardez dans votre mémoire
Et La Teste et son chanteur.
Il a voulu rendre gloire
À ce pays enchanteur
Lui faire honneur
Sa muse
Confuse
Sans ruse
Demande un bravo flatteur.
J.-B. Couve
Note de la Rédaction – Ici se termine la brochure de M. Jean-Baptiste Couve. Comme nous l’avons dit, elle se trouve entièrement reproduite dans les numéros des 2, 9, 16, 23, 30 juin et 27 octobre 1895, de l’Avenir d’Arcachon.
NOTES
(1) Bureau général des omnibus à Bordeaux.
(2) Cazagne était directeur des omnibus.
(3) Gare du chemin de fer pour La Teste.
(4) Latour, Chollet, La Mission, crûs de Graves renommés.
(5) M. Larrieux, propriétaire d’Haut-Brion.
(6) M. de Vergès, ingénieur du chemin de fer de La Teste.
(7) Chef-lieu de canton, gendarmerie, etc.
(8) Le pape Clément V a introduit la culture de la vigne à Pessac.
(9) L’aîné était docteur médecin, et le second Directeur du chemin de fer.
(10) Les actions du chemin de fer étaient descendues à 35 francs.
(11) Toctoucau, Touche-bœuf, station disparue où demeurait M. Béraud.
(12) M. Mestrezat, ancien président du chemin de fer de La teste, à la persévérance duquel on doit l’embranchement de Lamothe.
(13) Le château de Ruat, habitation du dernier captal, propriété de M. Festugières, dont la fille épousa le général Hépinasse.
(14) M. Ferris ou Féry, directeur des rizières de Cazaux.
(15) La Compagnie d’Arcachon, dont le zèle philanthropique et les immenses sacrifices méritaient un meilleur sort.
(16) Casaubon, conducteur des omnibus de M. Mérillon.
(17) Conducteurs ou propriétaires d’omnibus.
(18) Damain, fermier de la chasse à l’Île.
(19) Brémontier, ingénieur, fixa les dunes par des semis de pins.
(20) Joyeux compagnons qui s’appelaient Société de Tempérance.
(21) Ils étaient la plupart marchands de vins et spiritueux.
(22) Lamarque de Plaisance devint trois ans après, premier maire d’Arcachon
(23) Duphot, premier architecte du littoral.
(24) L’hôtel Gaillard acheté par M. Laporte, était tenu par Morel. Le Casino d’Eyrac a été remplacé par le Casino de la Ville d’Hiver.
(25) Le consul était M. Hovy.
(26) M. de Monkowski, conducteurs des Ponts-et-Chaussées.
(27) Le premier bureau de tabac.
(28) L’embarcadère était déjà tout vermoulu ! Arcachon s’arrêtait là, comme route praticable.
(29) Le drapeau de Marseille flottait sur le chalet Couve.
(30) M. E. Péreire, président du Conseil de la Compagnie du Midi, décida la continuation du chemin de fer de La Teste.
(31) Alphand devint ingénieur de la ville de Paris
(32) Chalet Sainte-Cécile à M. Bopp.
(33) Le château Deganne.
(34) Il n’y avait pas de barrière entre les chalets Cutler et Johnston.
(35) M. Frédéric de Portal était le fils du baron de Portal, ministre de la marine sous la Restauration ; le petit-fils de ce dernier demeure à la villa Les Flots.
(36) M. Durand, avoué de première instance, très exact dans sa profession.
(37) M. Jean Lacou, auteur d’un volume de vers.
(38) M. Poujaud, marchand de sel.
(39) M. Delclou, marchand de spiritueux.
(40) Ces diverses maisons, très rapprochées, se touchaient.
(41) M. Céleste Déjean, juge de paix à Pessac.
(42) M. Bourquin, horloger à Bordeaux, avait ici un grand établissement de chambres garnies, appelé Mon Repos
(43) M. Durand, ancien maître d’études, sous-censeur au lycée, tenait un débit de tabac sur le cours du XXX-Juillet.
(44) La maison Durand s’appelait Sylvabès, dieu des forêts.
(45) Caron, peintre décorateur du Casino et de l’hôtel des Empereurs
(46) Le docteur Gustave Hameau, fils du docteur Jean Hameau, de La Teste
(47) Premier maire d’Arcachon
(48) M. Bestaven, maire de La Teste avant M. Lamarque de Plaisance.
(49) Villanova, maison de M. Monkowski.
(50) Gièse prononcé Guise, rimerait à sa guise.
(51) Liber était en procès pour un terrain sans issue sur la route.
(52) M. Poisson-Bersot, ancien professeur au lycée, correspondant des Débats.
(53) L’abbé Bataille, aumônier du lycée de Bordeaux.
(54) Le général de Tartas acheta le chalet Bataille.
(55) Les passes du Bassin d’Arcachon sont réputées dangereuses.
(56) M. Lamarque de Plaisance avait demandé à M. Couve, ces couplets, souvent chantés depuis, aux fêtes pour les pauvres.