les châteaux de Certes à Audenge

LES CHÂTEAUX DE CERTES1 À AUDENGE

 

LES ORIGINES

Avant l’achat du Domaine de Certes par le Conservatoire du Littoral en 1984, le nom de Certes n’évoquait plus qu’un modeste et vieux quartier, au nord d’Audenge sur la route départementale en direction de Lanton.

Il en était jadis tout autrement. Certes désignait une immense seigneurie d’environ 100 000 hectares, soit six fois la surface du Bassin d’Arcachon, et les seigneurs de Certes furent tous de très grands personnages et portèrent comme un titre princier celui de « Captal de Certes ».

Certes désigna enfin trois châteaux successifs. Les deux premiers appartiennent à la période de l’Ancien régime. Le troisième, construit au XIXe siècle, est toujours là, au milieu des prairies du Domaine de Certes près de la route départementale.

Le premier château était une place forte, un ouvrage féodal, construit probablement vers 1350, pendant la guerre de Cent ans. Il disparut en 1765. Il pourrait avoir été édifié en pierre, sur l’emplacement d’un château carolingien en bois, comme était celui de la Baronnie d’Audenge dont il nous est resté quelques vestiges (Vieux Bourg).

Après ce premier château fortifié édifié sur une motte féodale, une autre résidence seigneuriale fut construite sur l’emplacement du « château » actuel qui, d’ailleurs, ne fut pas un château mais une résidence bourgeoise. Construite vers 1766-1768 par le marquis de Civrac, la maison « Civrac », après bien des transformations, fut démolie en 1866.

Le troisième « château » fut construit par Ernest Valeton de Boissière sur le même emplacement. Il fut lui aussi la résidence des propriétaires du Domaine.

Il est difficile de parler des deux premiers ouvrages sans les situer très brièvement dans l’histoire de la Seigneurie de Certes qui, jusqu’en 1730, n’a rien de commun avec celle de l’ex Baronnie d’Audenge.

Les premiers seigneurs de Certes

Nous ne pouvons remonter avant 1250. Avant cette date on ne connaît aucun texte concernant les paroisses et seigneuries de Guyenne. En 1250, nous nous trouvons anglais depuis cent ans déjà et la souveraineté des Rois-Ducs anglais prendra fin en 1453 à la bataille de Castillon.

La plus importante famille de Bordeaux dont les origines remontent aux temps gallo-romains s’appelle précisément « Bordeaux ». Le fils aîné de la famille – Pierre lo Vielh – a hérité de tous les fiefs de son père : Puy-Paulin – résidence de la famille à Bordeaux -, L’Isle-Saint-Georges, Castelnau de Médoc et Certes. Tous ces noms sont ceux de places fortes. Son frère cadet Pierre-Amanieu est devenu seigneur « captal de Buch » avec capitale à La Teste, mais on ne sait d’où vient ce captalat formé de La Teste, Gujan et Cazaux, ni dans quelles conditions Pierre-Amanieu en devint captal2.

Ainsi Pierre de Bordeaux est-il le premier seigneur de Certes clairement identifié (Archives Départementales de Pau). Son fils héritera non seulement de Certes mais aussi du Captalat de son oncle Pierre-Amanieu. Cette unification est de 1300 et durera exactement deux siècles.

C’est ainsi que la descendance de Pierre de Bordeaux – par les femmes – règnera sur La Teste jusqu’en 1713 et sur Certes jusqu’en 1637. Ils portent le nom de Grailly, puis de Foix-Grailly.

Le plus célèbre captal de Buch et de Certes fut Jean III de Grailly qui possédait notamment la plupart des territoires entourant le Bassin, jusqu’au Porge, à l’exception de la Baronnie d’Audenge-Andernos, Arès et Lège.

Jean de Grailly – « le Captal de Buch » ainsi que le désignent les livres d’histoire – est ce chevalier qui captura le roi de France à Poitiers en 1356 avant de se faire capturer à son tour par Du Guesclin à Cocherel. Son prestige fut tel que ses successeurs de La Teste et de Certes voulurent tous porter le titre de «captal» comme un titre de gloire.

En 1500, une scission de la « Baronnie et seigneurie de Buch et Certes » eut lieu lors de la succession de Gaston de Foix, captal de Buch défunt. Le fils aîné de son premier mariage hérita du Captalat de La Teste ; Alain de Foix, fils aîné de sa seconde épouse Isabelle d’Albret, hérita de Certes.

Les captaux de Certes de 1500 à 1636, descendants des Foix-Grailly, furent tous célèbres, tels le Maréchal Honorat de Savoie ou le Duc de Mayenne. A vrai dire, ils étaient seulement les maris des Dames de Certes.

En 1637, la famille du Duc de Mayenne qui s’était ruinée dans les combats de la Ligue était en faillite. Certes fut saisi, vendu aux enchères à Paris et passa dans la famille des Durfort de Civrac dont la lignée masculine s’éteignit en 1792 avec le dernier Civrac décédé à Pondichéry dont il était le maire, sans postérité.

Le château féodal

Où donc était édifié exactement le château-fort ? Par qui fut-il construit ?

Quelques vieux habitants d’Audenge savaient encore au début du XXe siècle que le vieux château était situé au milieu des réservoirs à poissons, à l’entrée du port de Certes, à l’extrémité de la route du Graveyron sur la butte très arasée qui subsiste encore sur la rive nord du ruisseau, à l’origine du grand canal de Certes.

Un plan détaillé, établi en 1768 en vue de la création des salines, confirme cet emplacement ; selon ce plan, le château-fort est déjà démoli3.

Nous nous trouvons en ce point à peu de distance de la terre ferme mais cependant au milieu des prés salés submergés par le flot à chaque marée. Ce château, comme celui de la Baronnie d’Audenge, comme tous ceux du Moyen Âge, était en effet un ouvrage fortifié édifié sur une butte artificielle. Il était entouré de fossés pleins d’eau et de marécages au sol vaseux. De même, le château de La Teste était aussi construit près de la mer mais le site du château testerin n’était nullement comparable à celui de Certes.

Ainsi, on ne pouvait accéder au Château que par bateau ou, peut-être, par un pont mobile. Deux chemins desservaient cet ouvrage, l’un venant du nord-est, l’autre du sud et du village. C’est le prolongement de la route dite du Graveyron.

Cette configuration est tout à fait semblable à celle d’Audenge où l’on constate que l’actuelle rue Saint-Yves aboutirait exactement entre les mottes doubles du château, dans le « domaine de l’Escalopier ».

Près du château de Certes, sur sa motte appelée aussi « Castera », plusieurs autres bâtiments étaient aussi construits. Ils apparaissent figurativement sur une carte du début du XVIIIe siècle. Également, tout près de la tour du château, sur le ruisseau, était construit le moulin à eau de Certes avec un petit barrage de retenue.

Du haut de la tour, on dominait les immensités des prés salés couverts de joncs et de quelques îlots d’herbes, sillonnés par des esteys jusqu’à Cassy au nord et Biganos au sud. Tout près de là, s’étendait l’île de Branne.

On pouvait aussi entrevoir la longue échancrure du ruisseau d’Audenge qui servait de port et faisait la séparation entre Certes et Audenge, avec à proximité les mottes doubles du château carolingien d’Audenge. Ces configurations des deux ports dans les prés salés avec leurs châteaux-forts étaient ainsi très semblables ; toutefois, le site de Certes était le meilleur.

Enfin, cette situation du castéra de Certes, unique autour du Bassin, présentait un grand avantage. A l’époque du haut Moyen Age, la presqu’île du Cap-Ferret n’existait pas encore dans son amplitude actuelle. Les passes étaient visibles de Certes et sans doute pas de La Teste4.

Avec cette situation abritée au fond d’un long estuaire, protégé par des marais infranchissables, susceptible aussi de surveiller le mouvement des bateaux dans la passe, le château de Certes était un point stratégique pour la défense du Bassin et de sa région. Il ne faut pas chercher ailleurs l’intérêt que les premiers captaux de Buch portèrent à ce modeste village de pêcheurs.

On ne peut dire avec précision à quelle époque le château fut bâti. Deux petites sculptures, provenant peut-être du château, ont été incorporées à la façade ouest de l’actuel château. Sont-elles du XIIIe ou du XIVe siècle ?

Or nous avons vu que, en 1250, Pierre de Bordeaux possédait plusieurs fiefs ou châteaux dont Certes. Il paraît douteux que, à une époque aussi éloignée, le château put exister déjà. Plus probablement un ouvrage en bois, semblable à celui d’Audenge, existait-il à Certes dès le IXe ou le Xe siècle.

Il semblerait logique d’attribuer la construction du château de pierre à un personnage important et puissant comme le grand captal Jean III de Grailly ou à son oncle et successeur Archambaud.

Alors le château de Certes aurait été édifié vers 1350 à une époque à peu près contemporaine de celle du château de La Teste, à une époque proche de la disparition du château de bois d’Audenge brûlé par les Anglais. Mais peut-être aussi, et bien plus tard, peu avant la fin de la guerre de Cent ans, en même temps que la tour de La Motte, nouvellement restaurée (1430).

Semblable au château de La Teste et aux tours de Veyrines et de Lesparre, le château de Certes était une tour carrée de 10 mètres de côté, 25 mètres de haut avec des murs de 1,65 mètre d’épaisseur. D’ailleurs on dut utiliser le canon pour le prendre en 1653. En toute certitude, il était en pierre.

Ci-dessus : la motte de Certes, meilleur site défensif sur les rivages orientaux du Bassin d’Arcachon.

Quelques dates marquantes de l’histoire du château au Moyen Âge

Les textes du Moyen Âge concernant la seigneurie de Certes et plus spécialement le château sont très rares et on ne sait pas exactement s’il s’agit du château-fort ou de l’ouvrage qui aurait pu le précéder.

12 juin 1383 – Richard III, roi d’Angleterre, demandait au Captal Archambaud de Grailly de tenir un marché chaque vendredi à Certes et chaque mardi à La Teste. Nous ne faisons pas mieux six siècles plus tard. Cette décision sous-entend que Certes était beaucoup plus important que le village de moins de 40 feux5.

1422 – Un conflit s’ouvrit entre les chanoines de Saint-André, seigneurs de Lège, et les officiers du Captal au sujet des épaves et naufrages sur la côte océane. Certes et La Teste ayant chacun son capitaine, Arnaud Deycard était celui de Certes6.

Encore en 1422, Arnaud Ducorn, de Biganos, s’engageait à payer les cens et rentes dues au Captal, au château de Certes7.

1587 – Grave litige au sujet de la garde du château8. Il était toujours admis que la garde des places fortes était assurée par les habitants. Les habitants d’Audenge s’avisèrent tout à coup que cette obligation était vraiment trop astreignante. Un conflit s’ouvrit avec le Duc de Mayenne qui avait quelques soucis avec les pirates espagnols dont les raids menaçaient le pays en permanence. Tout gouverneur qu’il fut et propriétaire de Certes, il dut s’adresser au Parlement qui déclara les gens de Certes rebelles et insoumis et confirma qu’ils devaient assurer la garde sous peine d’une amende de 20 sous.

Les habitants du château

Le château avait une vocation militaire. Il disposait donc d’une salle de garde. Le Capitaine pouvait y loger mais pas toujours. Pierre Damanieu s’était fait construire tout près de là sa maison « La Ruscade ». Le meunier logeait aussi dans le moulin. Quant au Seigneur, il disposait théoriquement d’un logement dans le château mais ne l’occupait pas.

Les captaux de Buch et Certes (1300/1500) étaient Bordelais ; ils habitaient le château de Puy-Paulin. Les Captaux de Certes étaient de grands personnages au service de l’État ; ils pouvaient résider un peu partout dans le Royaume selon les hasards de leurs carrières.

Toutefois on trouve trace d’un déplacement du second Duc de Mayenne qui, dès son arrivée à Bordeaux en qualité de gouverneur de Guyenne, s’empressa de se rendre à Certes, le 29 août 1618. Et ce fut un événement.

Sa mère Henriette de Savoie, duchesse de Mayenne, avait signé en 1571 l’importante concession des pacages en faveur des habitants de Certes et Lanton, mais à Bordeaux ; de même, elle avait reçu à Bordeaux l’hommage de Pierre Damanieu pour sa maison qu’elle venait d’ennoblir.

Plus tard, les Durfort de Civrac qui étaient de grands propriétaires du Libournais résidaient généralement au château de Blagnac-sur-Dordogne.

Le juge de Certes tenait ses audiences au Château mais aussi à Mios ou à La Mothe, ou ailleurs encore si besoin en était. D’ailleurs ce Juge n’était jamais un Audengeois mais un notable juriste de Bordeaux ou d’ailleurs9.

Si le captal de Certes détenait tous les degrés de la justice, on ignore si son Juge eut à prononcer des sentences de condamnations à mort. Faut-il rappeler à ce sujet que le Baron d’Audenge possédait aussi tous les degrés de la justice. Bernard de Blanquefort, seigneur d’Audenge, dut s’adresser au roi de France pour récupérer un condamné à mort que les Anglais lui avaient enlevé et pendu10.

Le fait le plus marquant de l’histoire du château de Certes fut en 1653 son bombardement et sa reddition pendant les troubles de la Fronde.

La Fronde : la prise de Certes et ses conséquences (11).

La Fronde fut un mouvement de révolte contre l’autorité grandissante de l’État. Cette autorité s’incarnait alors dans la personne du cardinal Mazarin.

Animé d’abord par de hauts personnages de l’aristocratie, tels les princes de Condé et de Conti, l’esprit de révolte gagna le Parlement de Bordeaux, puis les hauts fonctionnaires des finances hostiles à l’importance envahissante des Intendants, puis la noblesse de notre province.

Cependant, l’aristocratie du Pays de Buch resta sur la réserve. Les principaux nobles du Pays allaient même jouer un rôle décisif dans le rétablissement de l’ordre. Le premier d’entre eux était Bernard de La Valette, second duc d’Épernon, captal de Buch. De 1643 à 1650, il assuma la charge du maintien de l’ordre en qualité de gouverneur de Guyenne.

D’autre part, en Pays de Buch, cette charge du maintien de l’ordre était confiée à un Audengeois, Pierre Damanieu, sieur de Ruat et Baron d’Audenge. Le captalat de Certes était alors la propriété d’Antoine Jaubert, sieur de Barrault, qui lui aussi assumait des responsabilités de même nature en sa qualité de gouverneur et sénéchal du Bazadais ; il avait acheté Certes en 1637.

La famille Jaubert de Barrault jouissait de la confiance et de l’estime de la Cour et, d’ailleurs, en 1647, Jacques Durfort, gendre d’Antoine Jaubert, recevait le titre de marquis de Civrac.

Or les frondeurs avaient pour objectif de mettre en échec l’autorité royale en s’emparant des principales villes et places fortes. Ils comptaient sur l’aide de l’Espagne et c’est pourquoi la maîtrise des points de débarquements dans la Gironde et de la baie d’Arcachon était nécessaire.

Cependant, d’Épernon et ses troupes assuraient le maintien de l’ordre au prix de campagnes sanglantes et dévastatrices. Dans la seule année 1649, 120 villages du Bordelais furent pillés. Mais le Pays de Buch dont l’aristocratie était loyale fut épargné.

En 1650, « le comte de Meille qui tenait le parti de la Fronde s’empara du château de La Teste et du port d’Arcachon afin de faciliter aux Espagnols une descente dans le pays » (12). Mazarin temporisait. Le duc de Candale, fils de d’Épernon placé à la tête des troupes royales, n’était pas pressé lui non plus d’attaquer le château de son père. Deux étés passèrent.

Le dénouement eut lieu l’été 1653. Sous les ordres de Candale, Pierre Damanieu et ses milices (ses paysans, comme disent les textes) attaquèrent le château de La Teste en juin. Le 1er juillet le château était pris, sa garnison « fut égorgée ». En même temps, les troupes royales et l’artillerie placée sous l’autorité de M. de Marin arrivèrent en renfort.

Quelques jours plus tard, une chaloupe ennemie entra dans le Bassin, ayant à son bord plusieurs chefs rebelles. Elle portait une importante cargaison de poudre. Les chefs insurgés débarquèrent mais Pierre Damanieu prit le navire et le brûla. Les chefs rebelles dont l’intention était de gagner l’Espagne se trouvèrent bloqués. Ils parvinrent à s’enfuir à pied ; ils arrivèrent à Certes et occupèrent le château en attente de pouvoir s’embarquer. Le château de Certes passait à la rébellion.

Dès que l’ordre fut rétabli à La Teste, Pierre Damanieu et ses troupes, M. de Marin et son artillerie se portèrent sur Audenge. Pierre Damanieu se retrouvait chez lui. Il connaissait d’autant mieux les lieux où il était né que son père avait commandé le château de Certes. Il fut jugé opportun de ne pas tenter une prise d’assaut. On utilisa les canons de M. de Marin. Le château résista deux jours et le 19 juillet « fut réduit dans l’obéissance du Roi ». Ainsi la révolte armée se terminait à Audenge par ce fait d’armes unique dans notre histoire locale.

De son côté, Candale attaquait Bordeaux. La ville capitula le 27. La Fronde était terminée en Guyenne. Mazarin savait apprécier les services rendus. Candale obtint l’anoblissement de Pierre Damanieu au printemps suivant.

Et la vie reprit son cours monotone. Plus de vingt ans passèrent.

En février 1675, une nouvelle stupéfiante arriva à Audenge. Pierre Damanieu de Ruat, baron d’Audenge, venait d’être assassiné. Il était tombé dans une embuscade dans le bois de Lamothe, avec plusieurs personnes de sa suite, notamment son fils qui fut blessé et Jean Dubos son « rousinié » qui fut tué raide. Transporté mourant à Ruat, Pierre Damanieu établit son testament en présence des principaux notables d’Audenge et du Teich. Il accusa formellement le fils du Marquis de Civrac d’avoir perpétré le crime.

Alors on se souvint du bombardement de 1653 et on se demanda si Pierre Damanieu ne venait pas d’être victime d’une vieille animosité qui s’était développée depuis le jour où il avait osé bombarder le château de Certes.

Une fête de Saint-Yves qui finit mal. L’incendie de 169713

La journée de Saint-Yves 1697 fut tragique. Le château de Certes brûla. A la suite de ce sinistre, une procédure s’ouvrit et nous y avons trouvé quelques informations qui permettent de savoir ce qu’était le château à la fin du XVIIe siècle.

Charles de Durfort, second marquis de Civrac, seigneur de Certes, était décédé prématurément en 1689. Sa veuve, Angélique Acarie du Bourdet, prit en charge l’administration du fief en même temps que la tutelle de ses enfants. Ainsi que cela se pratiquait alors, elle confia l’administration et la gestion de Certes à un fermier, après appel d’offres et adjudication.

L’ensemble de la seigneurie, les droits féodaux et seigneuriaux, le château lui-même furent ainsi donnés à bail à trois notables conjoints et solidaires :

– Ambroise Bosmaurin de Biganos, procureur d’office de Certes,

– Pierre Duvignau dit Liay, marchand et notable de Certes,

– Giron Arouch de Bordeaux.

Peu de temps après, Maître Jean Despagne, notaire et gendre de Duvignau, se joignit aux trois premiers fermiers.

La marquise s’était réservée un logement dans le château pour elle-même et ses enfants, pour les rares cas où elle venait à Audenge. Cependant, Hélie Sentier, juge de Certes, avait aussi sous-affermé le château à un certain Prieur qui s’installa ainsi dans un logement du château de Certes.

Au cours de la journée de Saint-Yves 1697, Prieur dut festoyer trop joyeusement sans doute car le feu prit dans son logement. Tout le château flamba. « Il fut carbonisé en totalité », ainsi qu’un pavillon annexe. Par contre un second bâtiment annexe fut seulement endommagé.

On doit conclure de ces faits que ce château féodal était plus qu’une tour de guet. Il abritait en effet au moins quatre logements, celui de la Marquise, celui de Prieur, les deux pavillons, sinon la salle de garde et la salle d’audience du Juge qui était peut-être la même que la salle de garde.

Le moulin et le logement du meunier situé au pied du castéra furent épargnés par l’incendie.

Le 26 mai, la Marquise ouvrit une procédure contre les quatre fermiers. Elle demandait la reconstruction du château à ses fermiers tenus pour responsables. Le Grand Sénéchal de Guyenne jugea et débouta la Marquise car Prieur n’était pas sous-locataire des fermiers mais celui de la Marquise. Celle-ci fit appel au Parlement.

En homme responsable et réaliste, Ambroise Bosmaurin chercha une solution de transaction. Les fermiers s’engagèrent à participer à la reconstruction pour une somme de 5 000 livres. C’est ainsi que le château de Certes fut reconstruit – tout au moins dans ses parties qui avaient brûlé. Les fermiers furent ruinés.

Les malheurs n’étaient pas terminés. Pierre Duvignau et son gendre Despagne décédaient en 1700, Arouche également. Ambroise Bosmaurin reprit le bail de Certes et continua à assurer la charge de procureur d’office.

Et comme il était veuf, compatissant aux malheurs des Duvignau, il épousa Mathive Duvignau veuve Despagne.

Ci-dessus : carte de Masse (1708)

La disparition du château féodal

Et nous arrivons à la période historique 1765-1773. François Émery de Durfort, marquis de Civrac, avait entrepris la création des marais salants depuis Cassy jusqu’à Biganos et Malprat. À Certes, les topographes avaient prévu d’isoler les vastes méandres du ruisseau de Passaduy utilisé comme port. On ouvrit un canal rectiligne entre deux digues ; ce canal séparait les presqu’îles de Branne et du Graveyron. C’était le nouveau port de Certes. Il est abandonné depuis plus de 60 ans et, aujourd’hui, envahi par les sables et les joncs.

Le tracé de ce nouveau canal entamait le castéra, faisait disparaître le moulin et son bassin de retenue ainsi que les constructions des communs. Le château lui-même aurait pu être épargné. Il suffit pour s’en convaincre de se rendre sur les lieux pour s’assurer que le castéra ne fut pas entièrement rasé.

Mais le château fut démoli vers 1762-1763, tout au début des travaux. Aucun texte ne précise les raisons pour lesquelles Civrac ordonna sa démolition. Ces raisons cependant nous semblent assez évidentes

Cette vieille construction isolée était trop exiguë pour les besoins de l’administration seigneuriale. Son environnement était désagréable et insalubre. Il fallait donc construire une demeure beaucoup plus vaste et commode. Fallait-il encore trouver les matériaux nécessaires.

Selon cette habitude permanente des temps anciens et qui correspondait aussi à une nécessité dans nos pays au sol sableux, on démolit la vieille construction comme aussi la tour de La Mothe et le nouveau château fut construit de pierres et de matériaux de récupération.

Quant au rôle militaire du château, il n’y avait plus de problèmes à ce sujet. Depuis 70 ans déjà, Certes n’avait plus de capitaine et le corps de garde-côtes avait été réorganisé au début du siècle. D’autre part l’envasement du fond du Bassin, commencé probablement lorsque la pointe du Cap-Ferret se développa à partir de Lège, était déjà si avancé que l’accès au château par navire de mer restait impossible. Le rôle militaire du château de Certes avait donc pris fin. Il était condamné14.

Ci-dessus : carte (1758) – Archives municipales de Bordeaux – “Carte particulière de Guyenne”

L’IMMENSE MAISON « CIVRAC », SECOND CHÂTEAU DE CERTES

Le château-fort était un ouvrage de défense et il avait été construit en un point isolé et stratégique. Le second ouvrage abusivement appelé « château », parce qu’il était la résidence seigneuriale, n’avait plus aucune vocation militaire et il fut construit très près du village sur un emplacement accessible et commode. Sur son emplacement, le château « Boissière » – l’actuel- fut édifié cent ans plus tard.

L’objectif de François de Durfort de Civrac n’était pas de construire une demeure luxueuse mais une maison de maître. Bien qu’il vînt souvent à Audenge pour surveiller les travaux, il n’y séjourna que très peu. Mais Civrac était un grand seigneur et il voyait en grand toutes ses entreprises. La maison « Civrac », construite de 1767 à 1769, était immense. Deux plans établis vers 1771 par Clavaux, architecte et créateur des salines, donnent une idée précise de sa forme et de son importance15.

Une étude de 1788 établie en vue de la vente de Certes la décrit en ces termes :

« Elle (la maison) est située au bourg de Certes. Elle est double ; les appartements sont séparés par un corridor obscur qui règne d’un bout à l’autre et ressemble à un couloir de moines. Elle est basse, sans étage, mais ample. Elle a deux façades. On lui a donné le nom de Château mais ressemble à une maison bourgeoise. Elle est ornée sur le devant par un quinconce d’ormeaux »16.

Il s’agissait d’une maison assez typique dans notre région et désignée sous le nom de chartreuse. Cette longue maison plate était encadrée par deux pavillons qui obturaient le couloir central obscur. Elle mesurait 64,5 mètres de long ou 198 pieds, 16 mètres de large ou 50 pieds et 4 mètres de hauteur seulement ou 19 pieds. Elle était à l’origine divisée en 24 pièces dont les dimensions moyennes étaient de 7 mètres sur 5. M. et Mme Dauberval firent démolir les deux pavillons latéraux.

Malgré ses désagréments, plusieurs personnes habitèrent cette demeure ; tels le garde chasse ou les fermiers. Le juge y tenait ses audiences.

Cette maison « Civrac » fut construite par Jean Bosmaurin dit Méchinon, maître charpentier du Teich. En même temps Méchinon construisit aussi sur la « Place de Certes » les dix maisons doubles des sauniers charentais ainsi que la boulangerie située exactement en face de la Mairie actuelle. Selon l’usage de l’époque, Civrac fournissait le bois et autres matériaux ; Bosmaurin fournissait la main-d’œuvre.

La construction du château coûta 1 800 livres de main-d’œuvre, celle des maisons 120 livres chacune. La journée de travail était payée une livre. Lors de la faillite du marquis de Civrac en 1774, Bosmaurin était créancier de 5 200 livres car il avait aussi fourni d’autres prestations, telles que la construction d’un bac sur la Leyre et des travaux sur les moulins.

Dès 1771, Bosmaurin réclamait déjà en vain son règlement. Cette somme énorme pour un artisan du pays ne lui fut jamais payée. Mais un demi-siècle plus tard, les héritiers Civrac se firent un devoir de payer les dettes du Marquis de Civrac17.

Ci-dessus : Plan de Clavaux (1776)

La fin de la seigneurie de Certes

Au moment de la Révolution, les biens du marquis de Civrac étaient placés sous la double administration d’une commission nommée par le roi et de celle des créanciers.

Certes fut saisi comme bien d’émigré. Les héritiers de Civrac étaient son fils Venant-Louis et ses trois filles. Venant avait bien quitté le territoire mais il n’était nullement émigré. Il était parti aux Indes en mission confidentielle que le Roi lui avait confiée. Il mena à Pondichéry une vie désœuvrée en attente d’une fonction plus officielle. Tout ce qu’il obtint fut le grade de général et sa nomination de maire de Pondichéry. Démuni de toutes ressources, il se couvrit de dettes et mourut le 18 juillet 1792, oublié de tous sans avoir même pu payer son personnel et le chirurgien qui venait de l’opérer18.

Certes fut saisi abusivement et vendu aux enchères à Bordeaux ; la vente eut lieu le 7 fructidor an VI (août 1799)19.

La partie audengeoise de la seigneurie fut achetée par un « étranger », le maître des ballets du Grand Théâtre de Bordeaux qui prenait sa retraite. Dauberval, chorégraphe et compositeur, fut une célébrité de son temps. Ses œuvres sont toujours jouées un peu partout en France. Il était surtout apprécié comme mime. Mme Dauberval, qui était première danseuse, fut elle aussi une des gloires de la scène à Paris et à Bordeaux. C’est pour elle que Dauberval acheta Certes20.

Le couple s’installa au château « Civrac ». Mme Dauberval – Théodore pour le public – y mourut juste un an plus tard, le 2 fructidor an VII, dans sa trente-neuvième année. C’était l’âme du couple.

L’année suivante, Dauberval prit une décision qui allait accélérer l’urbanisation d’Audenge. Il vendit aux sauniers les 18 maisons de la place de Certes. Le prix de ces maisons était de 200 F l’une, payable en rente perpétuelle.

Dauberval transforma profondément la maison « Civrac ». Les pavillons qui encadraient le bâtiment sur ses extrémités disparurent. La longueur de la façade fut ainsi réduite à 39,20 mètres. Par contre sa profondeur doubla et atteignit 30,85 mètres. C’était donc toujours une très grande demeure de 1 200 m² habitables dans laquelle étaient inclus souillarde, chais à vins, fournière, etc. Ce n’était plus la maison « Civrac » mais la maison « Dauberval ».

L’environnement changea aussi. Le quinconce d’ormeaux disparut, remplacé par une grande pelouse s’étendant jusqu’à la route. Un pin franc fut planté au centre de cette pelouse et y demeura plus d’un siècle. Il fut récemment remplacé par un autre pin.

Dauberval mourut à Tours dans l’hôtel du Cheval Blanc le 15 février 1806 au cours d’un voyage de Paris à Bordeaux, où il espérait se retirer définitivement. Dauberval fut inhumé à Poinchy auprès de son épouse. Il était complètement ruiné. Tous ses biens de Poinchy et Certes furent vendus.

DE DAUBERVAL A BOISSIÈRE

Dauberval avait choisi pour héritier Jacques Charles Lebel, de l’Opéra de Paris, qui mit en vente l’ensemble des domaines. Cette vente eut lieu au Tribunal de Bordeaux par adjudication le 12 novembre 1806 ; le cahier des charges avait été établi par le notaire Darrieux : l’inventaire des biens à vendre était à peu près identique à l’achat qu’avait fait Dauberval.

Guillaume Darles (1806)

Ce pharmacien de Bordeaux fut déclaré adjudicataire pour le prix de 120 000 francs. Le représentant de Lebel était scandalisé par la modicité du prix. Il protesta mais en vain.

Le château était décrit de la façon suivante : maison de maître à rez-de-chaussée ou chartreuse mesurant 39,20 mètres de long et 30,85 mètres de large. Il avait ainsi subi des transformations importantes selon le vœu de Théodore. Il était composé de :

– 5 chambres

– une cuisine et une souillarde,

– une grande pièce ou salle,

– un grand vestibule,

– une fournière,

– un chai à vin et lieu d’aisances,

– trois greniers.

Il y avait aussi un logement pour le métayer ; deux bâtiments vétustes ; un hangar ou cabane recouvert de paille au levant et une grange au couchant.

Jean Marty Mamignard (1812)

G. Darles était un spéculateur et nullement un paysan. Il revendit le domaine le 15 décembre 1812 à un certain Mamignard21. Rien n’avait changé dans la description des immeubles.

Le prix de vente était en baisse. Il fut fixé à 100 000 francs, dont 95 975 francs pour les immeubles. Ce prix était payable en rente de 10 000 francs par an.

Mamignard décédait à Castelnaudary le 12 mars 1814. Darles exerça son droit de reprise et saisit le domaine qui fut remis en vente.

Le domaine de Certes fut revendu au Tribunal de Bordeaux le 27 octobre 1817. Il n’avait subi aucune transformation. Il était toujours borné par 36 bornes de 5 pieds de haut qui semblent avoir toutes disparu depuis cette époque. Il y avait toujours les quatre réservoirs à poissons.

François Valeton de Boissière et son fils Ernest

Darles trouva enfin un nouvel acquéreur ; il vendit Certes le 7 mars 1818 à M. François Valeton de Boissière, négociant du quartier des Chartrons à Bordeaux. L’acte d’achat fut établi par le notaire Brannens dont les minutes de cette période ont disparu ; nous le connaissons cependant par sa transcription aux Hypothèques de Bordeaux. Le prix de vente était de 80 000 francs payable en une rente de 8 000 francs par an.

François de Boissière était plus précisément courtier maritime comme la plupart des membres de sa famille. Cette famille était exclusivement protestante avec plusieurs origines allemandes, comme son épouse Lydie Pölhs qui lui donna deux enfants : Daniel Ernest né en 1811 et Corinne Suzanne née en 1814. Lydie Pölhs décédait huit jours après la naissance de sa fille. François de Boissière ne se remaria pas.

Ernest entra à l’École Polytechnique en 1827 ; il en sortit en 1830 et fut affecté au corps des officiers géographes dont il démissionna le 27 mars 1834 dans le grade de lieutenant.

Il s’initia pendant quelques années aux questions d’administration et de gestion dans les activités de son père et ses oncles Pölhs, apprenant aussi l’allemand, l’anglais qu’il parlait et les questions de comptabilité analytique.

Ci-dessus : Ernest Valeton de Boissière.

Achat du domaine Walbreck en 1837

Lorsqu’il vendit les côtes de sa seigneurie de Certes en vue de la création des salines, le marquis de Civrac céda une vaste étendue de prés salés situés dans la presqu’île de Branne, entre le grand canal nouveau et l’anse de Lanton, à un aristocrate parisien Cyrille Guesnon de Bonneuil (acte du 7 décembre 1771).

Pendant la Révolution, Mme de Bonneuil, dûment mandatée par son mari, vendit tout leur patrimoine audengeois le 28 fructidor an VI (Boilleau, notaire de Paris) pour le prix de 1.075.000 livres à un sieur Augustin Walbreck.

Les salines de Bonneuil étaient enclavées dans les propriétés conservées par Civrac : la pointe de Branne à l’ouest, les terrains en culture près du château à l’est. Un pont fut construit au niveau du port de Certes permettant l’accès à ce domaine en venant du village.

Walbreck s’avisa d’interdire à Boissière de passer sur ses digues pour atteindre le pont. Un litige s’ouvrit qui fut réglé par le décès imprévu de Walbreck. Sa veuve et sa fille vendirent alors toutes leurs propriétés dont celles d’Audenge au Tribunal de Paris le 11 novembre 1837. François de Boissière se porta acquéreur de l’ensemble audengeois pour le prix de 130 000 francs.

L’unité de Branne était ainsi établie. Ernest de Boissière avait alors 26 ans et sa formation professionnelle se terminait. Il quitta le domicile bordelais de son père et s’installa dans la maison « Civrac/Dauberval » à Certes.

Alors commença sa carrière audengeoise et ses talents allaient s’orienter vers la mise en valeur des 1 500 hectares de landes et l’exploitation rationnelle des anciennes salines et la pisciculture.

La donation du 21 octobre 184322

En 1840, Ernest de Boissière était déjà audengeois et habitait le château de son père. Le 17 janvier, il rédigeait lui-même un acte collectif de fermage pour 16 sauniers au nom du notaire Baleste-Marichon de Mios. Sa formation, son expérience, sa compétence et son souci des économies s’affirmaient et allaient devenir obsessionnelles.

Son père décida d’officialiser la situation. Le 21 octobre 1843, il lui fit la donation de toutes ses propriétés d’Audenge. Ces propriétés étaient constituées par les acquisitions de 1818 (ex Dauberval) et 1837 (ex Walbreck) et plusieurs autres moins importantes.

Les grands domaines rapportaient alors 5 840 francs et 5 000 francs par an, ce qui les valorisait à 216 300 francs. Mais le taux de capitalisation était très excessif. De plus, un inventaire très minutieux fut établi pour le mobilier et autres actifs, récoltes, bestiaux, etc. Le montant de la donation fut fixé à 80 000 francs payable en une rente de 8 000 francs par an.

L’acte contenait aussi une clause exceptionnelle. Les immeubles étaient soumis au rapport en nature à la succession de François de Boissière et par exception explicite aux dispositions légales. Cette clause était de nature à bloquer toute cession ou transformation du château par exemple. Les rapports du père et du fils Boissière n’étaient pas sans nuages ?

Disparition de la maison « Civrac/Dauberval ». Construction du Château de Boissière.

La date de la disparition de la maison « Civrac » et celle de la construction du « château de Certes » par Boissière qui fut très proche ont donné lieu à des erreurs d’interprétation.

Bien des documents les situent en 1836. C’est aussi le cas de petits panneaux plantés l’un près de la façade du château actuel, l’autre sur le site même de l’ex castéra du château féodal, après l’achat par le Conservatoire du Littoral. Cette date est largement reproduite dans des articles de presse, des brochures et ouvrages à prétention historique publiés depuis une vingtaine d’années et même par de sérieux ouvrages d’historiens incontestables, ce qui est plus grave car cet anachronisme va devenir bientôt une référence intouchable. Notamment le Conseil Général de la Gironde – gestionnaire du Domaine de Certes – a publié en 1995, à l’usage des touristes, une très agréable brochure (« Le Domaine de Certes » par Jean Yves Rossignol) qui serait excellente si elle ne faisait pas état, elle aussi, de cette date de 1836. D’où provient cette erreur récurrente ?

Apparemment on la trouve pour la première fois dans un livre de référence, « Les châteaux historiques » de Guillon, publié en 1866. Comme souvent, comme les ouvrages de Baurein, le livre de Guillon contient le meilleur et le pire, avec quelques belles affabulations et absurdités. On y lit par exemple : « En 1770, le marquis de Civrac, qui avait une prédilection pour Certes, s’y fixa et exécuta de grands travaux. Il fit démolir le vieux château et en fit construire un autre à peu de distance avec des pierres tirées du Truc (site de la motte féodale) et de La Mothe de Biganos. Il y fonda une chapelle qui devint l’église de Certes ».

Or Civrac n’avait aucune prédilection pour Certes, pas plus que ses prédécesseurs pour les landes marécageuses, les prés salés. Il vint à Audenge plusieurs fois au cours des grands travaux de creusement des salines (1768-1773), mais il était général en activité et résidait au château de Versailles ou dans son Hôtel parisien. La chapelle ne fut pas construite par Civrac mais par l’imagination de Guillon. Il n’y eut jamais d’église à Certes. Ces aberrantes affirmations expliquent aussi la surprenante figuration du château féodal sur le petit panneau posé sur le castéra : on y voit une butte en forme de pain de sucre avec une tour en équilibre sur son sommet étroit et, tout près, quelques maisons qui figurent le village avec une église.

Et Guillon continue : « Le fils de Monsieur de Boissière, ayant hérité du château de Civrac le fit complètement raser en 1836 jusqu’à ras de terre et fit élever sur ses fondations le château actuel qui est une grande maison isolée contenant de beaux appartements… ». On a vu que François de Boissière donna ses propriétés à son fils en 1843. Peut-être faudrait-il lire 1863 et non 1836. Alors cette date de 1863 serait plus cohérente avec la date de publication de l’ouvrage de Guillon (1866-1867) et plus compatible avec la date du décès de François de Boissière survenu à Audenge, dans le château de Certes le 24 septembre 1860.

Un dernier texte valide la période postérieure à 1860. Peu après le décès de M. de Boissière, ses enfants Ernest et sa sœur Mme Martinelli établirent un acte de partage de la succession le 2 octobre 1860, acte sous-seing privé déposé dans les minutes du notaire Loste qui était celui des Martinelli. Il y était écrit : « Monsieur de Boissière fils conservera le domaine tel qu’il est désigné avec toutes ses appartenances dans l’acte du 21 octobre 1843 ». Ainsi les volontés de F. de Boissière avaient été respectées de son vivant.

D’autre part, Ribadieu publia en 1856 « Les châteaux de la Gironde » et on y lit cette simple mention : « Nous trouvons à Audenge le Château Civrac ».

La comparaison du plan cadastral de 1825 et de l’actuel montre très clairement que le Château Boissière a été construit sur l’emplacement de la maison « Civrac/Dauberval », comme l’avait écrit Guillon sans se tromper. Les matrices cadastrales font état de la démolition de l’ancien château et de l’achèvement du Château Boissière en 1866. Il est même indiqué qu’il figure à l’impôt foncier pour une base de 1 500 francs – ce qui est énorme – et taxé aussi à l’impôt sur les portes et fenêtres pour 39 ouvertures.

Peu après cette étape de la vie du château, Boissière quitta définitivement la Gironde pour le Kansas où il acheta en fin 1868 1 500 hectares qu’il mit en culture et sur lesquels il construisit une nouvelle maison vaste et austère comme sa maison de Certes. Car Boissière n’avait nullement envisagé de construire un château, mais une maison de maître avec des matériaux de récupération provenant des bâtiments démolis, tels ces modillons du Moyen Age incorporés sur les ailes arrière de la maison23.

DE BOISSIÈRE À CAMILLE DESCAS

Le testament de Ernest Valeton de Boissière

M. de Boissière a rédigé son testament le 10 octobre 1892. Il fut déposé chez Me Desclaux de Lacoste, notaire à Bordeaux, son cousin et exécuteur testamentaire. Boissière décédait le 12 janvier 1894 dans son château de Certes ; quelques jours plus tôt, il venait de distribuer de généreux cadeaux de Premier Janvier aux enfants de son école maternelle.

Il n’est pas possible d’entreprendre ici l’analyse de ce testament qui est un document essentiel de l’histoire d’Audenge. On notera seulement les points suivants :

– M. de Boissière avait complètement ignoré sa sœur et héritière, Corinne de Boissière épouse de Me Matinelli ; elle allait contester la validité du testament.

– Il distribua à de très jeunes enfants – ses petits cousins éloignés – des sommes très élevées dont le total dépassait 500 000 francs.

– Il légua aussi à quelques amis (mais pas des Audengeois) quelques petits objets personnels.

– Il décida que tout son patrimoine – mobilier et domaine qu’il évaluait à 1 500 000 francs – serait vendu.

– Le solde des ventes et des legs serait versé à la commune d’Audenge pour être affecté au développement de l’instruction publique, outre la donation qu’il faisait de son école maternelle.

– Il pensait que ce solde devrait être de l’ordre d’un million de francs, mais il se trompait : il ne dépassa pas (ou peu) les 500 000 francs car le domaine fut vendu un million de francs.

Me Labat, notaire d’Audenge, établit les inventaires que nous ne pouvons actuellement connaître, car pour des raisons obscures et futiles le Directeur des archives départementales refuse de recevoir en dépôt les minutes Labat qui restent donc inaccessibles.

Exécution du testament

Une tentative de vente fut faite le 5 septembre 1894 pour le prix de 1 200 000 francs ; elle échoua. L’acte de vente fut établi un peu plus tard et nous éclaire sur le patrimoine de Boissière. Ce document est indispensable pour comprendre l’histoire de Certes. On notera seulement qu’il n’est rien dit du tout sur le château de Certes. De même la notice établie par Me Desclaux, en vue de la vente, est muette elle aussi. Peut-être la maison « Boissière », sans style et sans luxe, ne présentait pas d’attrait ou d’intérêt…

Le domaine – qui s’étendait au-delà de la route agricole de Marcheprime – couvrait 2 050 hectares, dont 2013 dans Audenge et 3 dans Lanton. Boissière avait donc accru son patrimoine de 220 hectares depuis la donation de 1843.

Me Alcime Labat, qui était aussi adjoint au maire d’Audenge, se dépensa sans compter pour défendre les intérêts de la commune et régler les litiges avec Mme Martinelli et Lanton.

La vente du 25 janvier 1895

L’acte de vente a été établi par Me Peyrelongue, notaire de Bordeaux, le 25 janvier 1895. Jusque là on aurait pu penser que la commune destinataire de la plus grande part de la succession aurait pu se porter acquéreur du domaine. Sans doute respectueuse du contenu du testament, elle l’a scrupuleusement accepté. Mais avec la dévaluation de la monnaie, le legs se réduisit à néant.

Deux familles de la région, alors en pleine ascension et prospérité, se portèrent acquéreurs solidaires : les Descas, négociants en vin de Bordeaux, et les frères Larroque de Gujan, armateurs et ostréiculteurs. Jean Descas représenté par son fils aîné Camille prenait ainsi la moitié de la copropriété, Édouard Larroque et son frère Paul, un quart chacun.

Le prix d’un million de francs leur fut consenti dont la moitié payable comptant et le solde en quatre ans avec les intérêts.

Décès de Jean Descas

Ce personnage qui parvint au plus haut niveau du négoce bordelais était de très modeste origine. Il était né le 1er novembre 1834 à Loubens, dans une famille de paysans. Il débuta comme ouvrier tonnelier. Il épousait Marie Laffargue le 22 février 1854 et se fixa à Bordeaux. La légende dit qu’il commença ses activités bordelaises sur les quais en poussant les barriques… Il monta sa propre affaire et réussit de façon telle qu’il put acheter sur les quais de Paludate les terrains où fut édifié « le Château Descas ». Il est décédé le 17 juillet 1895 à Camiran dont il était le maire.

La déclaration de succession de Jean Descas

Me Alcime Labat déclara au bureau d’Audenge la succession de Jean Descas le 11 janvier 1896 au nom de ses héritiers – les deux fils. Cette succession comprenait le quart de la valeur de Certes, M. et Mme Descas ayant été mariés sous le régime de la communauté des acquêts.

La valeur de la succession était ainsi détaillée :

– Meubles et objets garnissant le château de Certes et dépendances : 1.944 F

– 250 moutons : 5 000 F

– domaine de 2 050 hectares d’un tenant d’après le revenu de la maison théoriquement de 1 250 F : 25 000 F

-pour les autres revenus 35 000 F : 875 000 F

– Valeur de Certes : 906 944 F

– Les droits de succession sur le quart : 226 736 F

Ainsi le très scrupuleux notaire expliqua pourquoi on était si loin du million payé pour l’achat de Certes. Son explication était la suivante : « Il est déclaré qu’au dire de M. Descas la presque totalité des arbres pins se trouvant sur le domaine était vendue ». La notice établie par Me Desclaux, lors de la vente, déclarait explicitement : « La forêt complantée de pins cinquantenaires, dont la coupe peut-être immédiate, réaliserait la possibilité de plus de trois cent mille francs… ».

Car tout l’intérêt de l’achat de Certes était là. Vingt ans plus tard, les gens d’Audenge était encore en admiration sur l’audace bien calculée des Descas. Après la disparition de Jean Descas, d’autres décès très rapprochés allaient accélérer la liquidation de l’indivision Descas-Larroque.

Décès de Paul Larroque

Âgé de 36 ans seulement et célibataire, Paul Larroque décédait à Gujan le 26 octobre 1897. Il avait pour héritière sa fille naturelle qu’il avait reconnue et à qui il laissait les trois-quarts de sa succession, sous réserve de l’usufruit de Marie Martin, sa mère.

La situation devenait très compliquée. D’un commun accord, semble-t-il, tous les ayants droit dans la succession de Paul Larroque, donc dans Certes, obtinrent un jugement du 29 novembre 1898 pour liciter le domaine de Certes : le quart de Paul Larroque mais aussi le quart d’Edouard qui était alors en état de faillite.

Les Descas, c’est-à-dire Mme Descas et ses fils, achetèrent ainsi les parts des Larroque pour un montant de 740 000 francs. Cette vente des immeubles fut suivie par celle des bestiaux qui eut lieu le 1er mars 1899 chez le notaire d’Audenge, en faveur des Descas pour la plus grande partie.

 

L’achat du moulin de Lanton24

Le moulin de Lanton appartenait depuis le début du siècle à des familles de Gujan. À l’époque de la faillite des Larroque, son propriétaire était un notable de Gujan Alix Daney qui venait de décéder ; il légua ce moulin à sa nièce Eudoxie Daney, épouse d’Edouard Larroque. Il fut mal inspiré. Immédiatement les créanciers d’Edouard Larroque saisirent cet héritage qui fut mis en vente par adjudication le 20 juillet 1899. Sur une mise à prix de 2 000 francs, le moulin et ses 13 hectares de terres furent vendus 8 100 francs aux Descas dont le domaine se trouvait ainsi étendu vers le nord, dans Lanton.

Disparition de Mme Jean Descas

Elle décédait le 10 octobre 1900 dans le château Descas, à Bordeaux. Elle avait 69 ans. Ses fils – Pierre Camille né le 12 février 1857 à Bagas et Louis Jean Pierre Ferdinand né à Bordeaux le 25 juin 1870 – héritèrent de Certes. Le domaine et le château furent estimés à 2 800 000 francs.

La gestion des frères Descas. Transformations du Château

Dans cette seconde génération, Camille fut manifestement le chef de la famille.

La construction du Château Descas, 9 quai de Paludate, fut son œuvre beaucoup plus que celle de son père. Elle fut lente et longue et mobilisa des capitaux très élevés provenant à la fois des ventes du poisson, des résines et bois de Certes mais aussi et surtout de la vente des vins.

Puis vers 1905 Camille Descas se consacra à son programme immobilier de Certes. La maison « Boissière » fut modernisée dans le goût du jour en s’inspirant du style Second Empire de son château de Bordeaux. Un belvédère fut élevé au centre du bâtiment. Des ajouts de faïence ornèrent en frise le premier étage portant les initiales D.C. de Camille Descas. Et surtout le rez-de-chaussée fut transformé : entrée, escalier menant à l’étage, salle à manger à gauche, salon de réception à droite ; profusion de boiseries de bois précieux, décoration en « modern style ».

On était bien loin de la sobriété monastique de la maison « Boissière ». Ces pièces du rez-de-chaussée ont été inscrites à l’inventaire des monuments.

La seconde partie du programme fut l’extension des vastes bâtiments d’exploitation : granges, pêcheries, bergeries, vacheries…

Ferdinand Descas, qui était célibataire, céda sa moitié de Certes à son frère en 1906.

Le château de Certes

Ci-dessus : l’entrée du domaine du château de Certes.

Ci-dessus : aile sud des bâtiments d’exploitation du domaine de Certes.

AU TEMPS DE CAMILLE DESCAS

Bien que très occupé par ses activités bordelaises, Camille Descas, comme Boissière jadis, gérait personnellement la commercialisation du poisson – il est vrai toutefois que le poisson se vendait pendant les seuls mois d’hiver. C’est ainsi que les archives du château ont conservé les doubles de ses courriers avec ses clients. Cependant le domaine avait toujours un « régisseur », personnage indispensable comme au temps de Boissière ou aux temps plus anciens.

La comptabilité et la gestion financière du domaine étaient tenues à Bordeaux et c’est pourquoi nous n’avons aucune source d’information sur l’importance et le financement des grands travaux immobiliers de Camille Descas.

De toute évidence, la gestion de Camille Descas fut marquée par « l’affaire du pont de Certes ».

En 1906, le maire d’Audenge Armand Duvigneau s’avisa qu’il fallait rétablir le pont qui traversait le canal de Certes en prolongement du chemin venant du village et permettait l’accès au domaine de Certes depuis le temps des Bonneuil. Ce pont qui n’était d’aucun intérêt pour les propriétaires du domaine menaçait ruine. Camille Descas s’opposa à toute intervention communale. Un procès s’ouvrit. Camille Descas, appuyé par le notaire Alcime Labat, Daniel Labat et quelques autres, mena une campagne passionnée verbale ou écrite. Armand Duvigneau, qui en faisait une affaire personnelle, n’obtint pas l’accord de son conseil municipal. Il s’engagea à payer les frais du procès. Le jugement fut rendu en 1919 seulement ; Duvigneau fut condamné, il paya.

La crise qui avait profondément troublé la tranquillité des familles prit fin en 1925 lorsque Roger Descas, fils de Camille, devint maire d’Audenge. Le pont de Certes disparut à cette époque. Quant à Camille Descas, il décédait à Bordeaux le 7 février 1933.

La succession de Camille Descas. Ses héritiers

Les deux fils Descas héritèrent du domaine, chacun pour moitié. Roger Descas était né à Bordeaux le 8 mai 1891. Il décédait le 26 juillet 1959. Henri Descas, né à Audenge le 30 mars 1907, est décédé le 21 mars 1992 à Bordeaux.

Brillant ancien combattant, éminent négociant bordelais, officier de la Légion d’Honneur, Roger Descas fut élu maire d’Audenge et le resta jusqu’au lendemain de la Libération. Il revint un peu plus tard sièger à nouveau dans le conseil municipal (il mourut en cours de mandat).

Au cours de ses mandats de maire, Roger Descas se faisait un devoir d’inviter dans son château les personnalités qui venaient participer chaque année aux conseils de révision. C’était aussi la fête au château et tous ses hôtes distingués apprenaient à déguster les paons qui faisaient l’ornement du domaine.

La rentabilité de ce domaine commençait à décliner à cette époque. Les deux sources de profits s’épuisaient : la résine perdait ses débouchés, le gemmage des pins disparaissait et, de plus en plus, un phénomène mal expliqué allait anéantir la rentabilité des réservoirs. L’entrée des alevins qui affluaient par millions dans les écluses (anguilles, mules, bars ou dorades) se réduisit très vite. Les poissons disparurent. Le domaine de Certes était condamné comme tous les autres semblables.

Disparition de la famille Descas

Pour encadrer la gestion du Domaine de Certes, Roger et Henri Descas créèrent en 1964 une « Société civile et immobilière du Domaine de Certes ». Son capital était de 3 000 000 francs, divisé en 3 000 parts de 1 000 francs chacune, partagé par moitié entre les deux frères. Cette forme de société avait sans doute été adoptée pour faciliter la gestion et la transmission des droits de propriété plus aisément. C’est ce qui se produisit.

Par son testament du 10 mai 1957, M. Roger Descas partagea sa moitié de Certes en distribuant ses parts entre sa fille et ses 5 petits-enfants : tantôt en nue-propriété, tantôt en usufruit, tantôt en pleine propriété. Puis le 24 octobre 1960, M. Henri Descas faisait donation de ses parts à ses 7 enfants.

Tous les membres de cette nombreuse famille restaient très attachés à son patrimoine familial restauré par leur grand-père. La plupart passaient d’assez longs séjours dans ce château dont le premier étage fut alors redécoupé en plusieurs logements qui aujourd’hui évoquent une sorte de capharnaüm, destiné à la démolition.

Aucun des jeunes descendants Descas n’avait l’âme d’un Boissière, tout à la fois intellectuel, paysan, calculateur et travailleur acharné. Un temps cependant, le mari d’une petite-fille de Roger s’intéressa à Certes et ses problèmes mais, sans doute, dans un autre état d’esprit. Il échoua.

La vente du domaine, qui eût été très facile dans le cadre d’une société anonyme par exemple, donna lieu à une invraisemblable série de cessions individuelles au cours des années 1971-1972. Un notoire manager landais, M. Raymond Tachon, qui s’était consacré à la pisciculture en eau douce (Société Salmona) devint le seul propriétaire de la Société civile dont le nom changea à peine pour devenir « Société civile immobilière agricole du Domaine de Certes ».

LA GESTION DE M. TACHON

L’importance du Domaine de Certes peut être appréciée par les chiffres suivants : étendue de la commune 9 586 hectares, étendue des propriétés communales 1 871 hectares, étendue du Domaine 2 040 hectares (Dauberval avait acheté 1 500 hectares de landes).

Rappelant un peu la spéculation de Jean Descas lors de son achat en 1895, Raymond Tachon liquida sans tarder 1.000 hectares de forêt environ, situés à l’extrémité est de la forêt. Ces hectares achetés par la Société Limagrin, le grand spécialiste de la culture du maïs, furent ainsi convertis en champs de maïs irrigués.

M. Tachon était mieux qu’un spéculateur. Il tenta une expérience d’élevage de truites dans des bassins construits près du château. D’abord réussi, cet élevage fut abandonné, dit-on, en raison de conditions climatiques inadaptées.

M. Tachon fit tous ses efforts pour se débarrasser de cette propriété dont la rentabilité ne répondait pas à ses espoirs, avec son château qui ne servait à rien, ni à personne, et surtout ces réservoirs et leurs digues ruineuses.

Projets sans suites

M. Tachon avait donc vendu 1 000 hectares. Son domaine était maintenant réduit à 950 hectares dont 800 de forêt et 150 de réservoirs. Il proposa au Conservatoire du Littoral ces 950 hectares pour le prix de 25 millions de francs.

Les imaginations s’enflammèrent. Des promoteurs voyaient déjà la création d’une marina : piscine, 1 200 maisons, 50 à 100 emplois nouveaux. M. Scriban, alors maire, voyait aussi une sous-préfecture dans le château de Certes. Les oppositions se manifestèrent dans les milieux écologistes ou spécialisés dans les questions de pisciculture.

Le financement de l’achat par le Conservatoire s’avérait impossible. Le projet fut abandonné.

Nouvelle vente en 1983

En avril 1983, M. Tachon vendit à l’UAP (assurances) 418 hectares de forêt, soit la parie du domaine la plus rapprochée de la route départementale 5.

Ci-dessus : le château de Certes, actuellement.

LE CONSERVATOIRE DU LITTORAL

La conjoncture économique et politique ayant changé, les amitiés aidant, le Conservatoire se décida à acquérir ce qui restait du Domaine de Certes après la disparition de la forêt.

Cette vente portait sur 375 hectares dont 36 dans Lanton pour le prix de 11 500 000 francs, tous les réservoirs, terres cultivables, quelques dizaines d’hectares de forêt entre Certes et Lanton et le château ; elle fut passée devant Me Philippe Cavalier, notaire à Hagetmau le 7 avril 1984.

Ci-dessus : Plan actuel (2004).

1987. Le Centre d’Aide par le Travail (C.A.T.)

Une solution avait été trouvée pour redonner une activité au domaine. Le C.A.T. s’installa dans les vastes bâtiments d’exploitation. Des dizaines d’handicapés s’occupèrent de cultures diverses, pêche… Mais tout cela était peu rentable. Le Conseil Général décida de reprendre les locaux ; le C.A.T. a quitté Certes au cours de l’été 2004 et s’installa dans des locaux nouvellement construits à Audenge, au quartier de la Courbe, route de Bordeaux.

Le Conservatoire n’ayant aucune vocation pour exploiter un domaine agricole diversifié en confia la gestion en première étape au « Parc Régional des Landes », puis en 1990 au Conseil Général de la Gironde.

Pierre LABAT

 

NOTES ET RÉFÉRENCES

1).La présente étude est celle des bâtiments ou constructions qui, au cours de l’histoire, ont été désignés « châteaux de Certes ». Il n’est pas dans notre intention de décrire une nouvelle fois l’histoire de la Seigneurie de Certes dans ses aspects économiques ou culturels : création des salines, de la pisciculture, de ses productions agricoles ou forestières, sa rentabilité, son rôle nouveau dans l’écologie, l’environnement sinon le tourisme.

On se réfèrera à ce sujet à la publication par le Conseil Général de la Gironde du Guide nature « Le domaine de Certes », sous la signature de M. J.-Y. Rossignol. Cette belle publication est largement diffusée. Nous avions apporté notre contribution à ce guide dont le texte reste valable à quelques détails près.

Les curieux d’études plus approfondies du Domaine de Certes pourraient se référer à l’étude de Nicolas Pion en vue de son diplôme de maîtrise (septembre 2000). Encore faudrait-il que ce travail remarquable soit devenu accessible.

Nous avons repris ici les études publiées en 1977-1978 dans le bulletin municipal « Les Echos audengeois », après les avoir actualisées et complétées sur plusieurs points ignorés jusqu’ici.

2. Les documents concernant les familles « Bordeaux » et « Albret » se trouvent aux Archives Départementales des Pyrénées-Atlantiques dans la série Fonds Albret (E 36.17.20.135). Ils sont, pour la plupart, recopiés dans la Collection Doat de la Bibliothèque Nationale (cf. notre étude, dans B.S.H.A.A. n° 32 du 2ème trimestre 1982, « La seigneurie et Baronnie de Buch et Certes »).

3. Voir la carte de Masse dont ci-joint un extrait agrandi. Voir aussi la carte anonyme « Carte particulière de la Guyenne » (vers 1758). Ces deux cartes se complètent. Sur la carte de Masse, on distingué la figuration de la tour du château et trois petites constructions sur le castéra. Le ruisseau est au sud du castéra qu’il contourne. Sur la carte de 1758, on distingue clairement le chemin nord et le chemin sud qui va du château au village.

4. Ci-joint un plan sommaire extrait du T.E.R. (maîtrise) de Nicolas Pion qui tente d’expliquer la situation stratégique de Certes par rapport aux passes du Bassin.

5. Lettre de Richard III (texte latin dans la Collection Bréquigny-Moreau 654 de la Bibliothèque Nationale).

6. A.D. Gironde, série ecclésiastique G 284 Saint-André. La côte océane visée par le litige est celle de la juridiction de Campagne dépendant de Certes, entre Lège et Le Porge.

7. A.D. Gironde, C 3349.

8. Voir BSHAA n° 53 (3ème trim. 1987) : arrêt du Parlement du 10 février 1587.

9. Voir BSHAA n° 41 (3ème trim. 1984) : reconnaissance des limites de Certes.

10. Voir BSHAA n° 21 (3ème trim. 1979).

11. Voir BSHAA n° 19 (1er trim. 1979) : « Documents inédits sur les Damanieu (Fronde-Défense des côtes) », origine Bibliothèque Nationale.

12. « Port d’Arcachon » signifie : le Bassin d’Arcachon.

13. Plusieurs textes notariés des Archives départementales de la Gironde en font état.

14. Voir P. Labat, « La création des salines du Bassin d’Arcachon », dans Actes de la Fédération Historique du Sud-Ouest, Périgueux 1981.

15. Voir carte de Clavaux de 1776 (extrait joint), Archives Nationales F 14 102.76.22. On y distingue le plan du nouveau château ainsi que le projet – sans suite – d’un nouveau village situé « sur la place de Certes ». Clavaux anticipe aussi sur les travaux de la presqu’île de Graveyron qui ne fut jamais aménagée en salines.

16. A.D. Gironde, Fonds Billaudel 6 J 73. Dans une affiche diffusée en vue de la vente de Certes, il est dit que le château est composé de 16 chambres de maître (sur les 24 au total).

17. Les comptes Bosmaurin se trouvent aux A.D. Gironde sous la cote Q 1340/1341.

18. Archives d’Outre-Mer (Aix-en-Provence).

19. A.D. Gironde.

20. Voir P. Labat, « Dauberval, maître de ballet. Un chapitre de l’histoire d’Audenge », dans BSHAA n° 104 (2ème trim. 2000).

21. A.D. Gironde, 3 E 31.434 (Maillères notaire à Bordeaux).

22. A.D. Gironde, 3 E 45 719 (Gautier notaire à Bordeaux) : texte important et curieux qui donne l’inventaire détaillé du château.

23. Le château est actuellement menacé de ruine. Le crépi des murs ayant disparu en de nombreux endroits, on distingue la nature des matériaux qui ont été utilisés pour sa construction : briques du XIXe siècle, garluche ; parfois quelques adjonctions de pierre blanche. Tout ce bâtiment construit à l’économie par Boissière porte ainsi la marque de son auteur.

24. Voir P. Labat, « Histoire du moulin de Lanton », dans BSHAA n° 109 (3ème trim. 2001).

 

Extrait du Bulletin de la Société historique et archéologique d’Arcachon et du Pays de Buch n°124 du 2ème trimestre 2005

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