LES FUNÉRAILLES DU MARÉCHAL DE SAINT-ARNAUD
VUES PAR UN PENSIONNAIRE DE L’HÔTEL DES INVALIDES
Nommé le 11 mars 1854 commandant en chef des troupes françaises en Crimée, le maréchal de Saint-Arnaud mourut du choléra, le 29 septembre 1854, sur le bateau qui le rapatriait.
Armand, Jacques, Achille Le Roy de Saint-Arnaud était né à Paris, le 20 avril 1798, date qui figure sur son tombeau et non en 1801 comme le disent certains dictionnaires1. Il était, avec son frère Louis-Adolphe, le fils d’un préfet de l’Empire et de Louise Papillon de l’Esteyre.
Il eut un premier contact avec la Gironde lorsque sa mère, devenue veuve, se remaria avec Jean de Forcade, propriétaire du château de Tastes à Saint-André-du-Bois. Ce château sera débaptisé en 1862 et prendra le nom de château de Malromé. C’est dans ce château qu’habitera Toulouse-Lautrec.
À 33 ans, Saint-Arnaud, le 21 novembre 1831, épouse à Brest en premières noces Laure Pasquier, fille d’un capitaine de frégate qui décédera le 22 mai 1836.
En 1831, après avoir été sous-lieutenant dans la Légion du département de corse, lieutenant du 49eme RI et du 64eme RI, il est capitaine dans la Légion étrangère. Il devient chef de bataillon le 15 août 1837, blessé le 11 mai 1840 à Bordj el Arba en Algérie, lieutenant-colonel en 1844, il est maréchal de camp (général de brigade) quand il épouse en secondes noces le 7 mars 1849 à Paris Louise de Trazégnies d’Ittre, née en 1816 en Belgique. Elle est la sœur de l’épouse de son demi-frère Adolphe.
Général de division en 1851, ministre de la Guerre le 26 octobre 1852, il est nommé maréchal de France le 2 décembre de cette même année.
L’épouse du maréchal vécut de nombreuses années à Arcachon, où elle possédait les villas « L’Alma » et « Saint-Arnaud ». Elle y mourut le 8 janvier 1905 avant d’être inhumée au cimetière de la ville. Le maréchal était venu à Arcachon en août 1853 et avait assisté, le 28, à une messe célébrée par le cardinal Donnet dans la chapelle Notre-Dame d’Arcachon. Il fut inhumé dans la crypte de la chapelle Saint-Louis des Invalides, à Paris. Une plaque de cuivre gravée est apposée sur un des piliers droits de la chapelle.
Ses funérailles nationales eurent lieu le 17 octobre 1854. Un pensionnaire de l’hôtel des Invalides les a décrites dans une lettre adressée, le lendemain, à sa fille, en Bretagne.
Cet « Invalide », ancien hussard de la Grande Armée de 1805 à 1813, gendarme jusqu’en 1829, médaillé de Sainte-Hélène, avait quitté ses enfants et petits-enfants « pour mourir près de l’Empereur ». Il s’appelait Pierre Bouhourt et était mon trisaïeul. Voici sa lettre.
Claude TAKVORIAN-LEHIR
LETTRE DE PIERRE BOUHOURT,
PENSIONNAIRE DE L’HÔTEL DES INVALIDES
À SA FILLE2
Paris le 18 8bre 1854
Ma chère fille,
… J’ai vu hier une cérémonie que je n’avais jamais vue de pareille, pour l’enterrement dans les caveaux de l’Hôtel du Corps du Maréchal de Saint Arnaud, mort à l’armée d’Orient après avoir conquis la Crimée et remporté une éclatante bataille sur les armées Russes et qui se préparait à s’emparer de Sébastopol quand la mort est venue le saisir.
Je n’ai jamais vu de spectacle semblable, quarante milles bayonnettes au moins, musiques en têtes faisant résonner l’air au loin de leurs armonies tristes et Lugubres, les tambours, les étendars couverts de crêpes, les soldats ayant l’arme renversée sous le bras gauche, le pauvre cheval de bataille du Général défunt, suivait derrière le char avec un air triste et chagrin.
C’est au milieu de notre hôtel que j’ai vu toutes les autorités civiles et militaires du Gouvernement en grand costume officiel tels que Ministres, Députés, sénateurs, Préfets, Maires, Maréchaux, Généraux, amiraux &c ont défilés dans nos rangs. 33 coups de canon ont été tirés pendant la Cérémonie de l’Église trop petite pour contenir le nombre des assistants.
Il y avait jusqu’aux ambassadeurs de toutes les puissances de l’Europe hormis la Russie.
L’Empereur avait envoyé quatre voitures de sa Maison impériale avec ses aides de camp.
C’est Monseigneur l’archevêque de Paris qui a fait l’office. La cérémonie a duré près de trois heures.
Il fallait voir cette somptueuse illumination. Jamais je n’ai vu tant de somptuosité et tant d’or briller.
Il fallait voir aussi ces quarante mille fusils renversés sous le bras gauche et défilant devant le corps, la musique jouant des airs tristes et lugubres à faire saigner le cœur de tristesse.
…
Je vous embrasse tous de cœur et d’amitié
Votre père et grand père
Bouhourt
2eme division, corridor Grenoble, n° 12
1. Voir le Larousse en trois volumes, le Larousse en dix volumes et le Quillet, qui ne sont pas d’accord également sur les prénoms du maréchal.
2. L’orthographe a été respectée.
Extrait du Bulletin N° 18 de la Société historique et archéologique d’Arcachon et du pays de Buch du 4e trimestre 1978