Projet de sanatorium au camp américain du Cap-Ferret

Projet de sanatorium au camp américain du Cap-Ferret

La flotte sous-marine allemande causant la perte de nombreux cargos et chalutiers dans le Golfe de Gascogne, il fut décidé, fin 1917, de créer sur le Bassin d’Arcachon un Centre d’hydravions qui viendrait renforcer le poste de combat de Cazaux.

Les travaux, entrepris par les Français, débutèrent fin 1917 pour être poursuivis, dès janvier 1918, par l’armée américaine.

Ils furent entièrement terminés début octobre 1918, quelques semaines avant la fin de la guerre, permettant alors aux hydravions d’être enfin opérationnels.

Malheureusement, les résultats des opérations ne furent pas à la hauteur des efforts et des ambitions puisque les aviateurs américains ne virent jamais le moindre périscope de sous-marins, ni la moindre mine.

La guerre terminée, on prêta aux Américains le projet de vendre «à chers deniers» leur camp d’aviation du Ferret à l’administration française pour en faire un sanatorium pour tuberculeux.

Aussitôt, la population, Syndicat des habitants et concessionnaires du Cap-Ferret en tête, s’émut et se mobilisa, adressant au Préfet de la Gironde, le 25 avril 1919, et au Maire de La Teste, le 5 mai 1919, une pétition qui, s’appuyant sur des motifs d’hygiène publique et d’intérêt général, protestait vigoureusement contre la création d’un établissement dans lequel seraient traités des malades atteints d’une affection tout particulièrement contagieuse et redoutable.

 «La construction d’un sanatorium, poursuivait-on, entraînera ipso facto l’installation d’égouts, qui ne pourront se déverser que dans le Bassin, et plus particulièrement sur les parcs à huîtres bordant la plage.

«La réputation méritée des huîtres du Cap-Ferret, attribuée à la pureté des eaux de cette partie du Bassin, serait à tout jamais perdue, par suite de la pollution certaine du fait des égouts, et la malveillance aidant, il serait vite généralisé et la dépréciation des huîtres du Ferret s’étendrait à toute la production ostréicole du Bassin d’Arcachon.

«Ce serait alors, d’une part, la mort certaine d’une industrie qui fait vivre des milliers de personnes, et d’autre part, la ruine rapide et complète de vieux serviteurs de l’Etat et de leurs familles, à qui les concessions de parcs ont été attribuées en récompense de services rendus au Pays».

 Le 1er juillet 1919, le Préfet de la Gironde répondait au Maire de La Teste, qui lui avait adressé la délibération du Conseil Municipal du 9 mai 1919, par laquelle, se basant sur la pétition des habitants du Cap-Ferret, le dit Conseil protestait contre la création éventuelle, dans ce quartier, d’un sanatorium pour tuberculeux dans les baraquements laissés vacants par les troupes américaines du Centre d’aviation.

«J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’il résulte des renseignements fournis que cette question a perdu de son importance puisque la ville de Bordeaux a renoncé en ce moment à établir le sanatorium projeté. Toutefois, j’ai cru devoir saisir de votre protestation la Fédération des œuvres girondines anti-tuberculeuses, dont le Comité compte, dans son sein, les sommités médicales de Bordeaux et de la région, et qui serait susceptible, dans l’avenir, de faire la création de l’espèce» (sic).

Le Préfet annexait à sa réponse l’avis de la Fédération des œuvres girondines anti-tuberculeuses, qui précisait :

«L’établissement d’un sanatorium pour tuberculose osseuse, dans le centre d’aviation américain, ne pourrait en aucune mesure compromettre par contagion microbienne la santé des habitants du voisinage, ni altérer en quoi que ce soit les qualités climatériques de la région».

Elle faisait remarquer que la station du Moulleau, loin d’être compromise par la création de deux sanatoriums pour enfants atteints de tuberculeuse osseuse, dans son voisinage, avait au contraire pris, depuis leur fondation, un très grand développement, mais admettait cependant que, dans la pétition des habitants, «il y avait un point des plus importants et des plus justes», qui était la pollution des parcs d’huîtres bordant le rivage, par suite du déversement des eaux usées de l’Hôpital par les égouts débouchant dans le Bassin.

L’emplacement du camp américain, quartier du Boque, à quelques centaines de mètres au nord de Bélisaire.

À cette remarque importante et juste, la Fédération argumentait que «la question d’écouler ces eaux, non pas vers le Bassin, mais vers l’Océan, avait été déjà posée par les Administrateurs» et en profitait pour rappeler sèchement que : «Ce qu’il faut savoir, c’est que ces eaux usées peuvent nuire aux huîtres, non pas en tant qu’elles viennent d’un Hôpital de tuberculeux, mais en tant qu’usées, et que les égouts des maisons particulières ou établissements quels qu’ils soient, que l’on créera dans la région, auraient le même inconvénient et seraient susceptibles de compromettre la nutrition des huîtres, de les intoxiquer et de transmettre aux consommateurs, sinon la tuberculose, au moins diverses maladies infectieuses dont ils ont le plus grand intérêt à être préservés».

Une vue de quelques baraquements dans lesquels seraient peut-être installés les malades atteints de tuberculose, comme le mentionnait la pétition des habitants du Cap Ferret.

Et probablement pour être bien comprise, la Fédération terminait son avis «en appelant l’attention du Préfet sur ce point particulier, en le priant de veiller avec la plus scrupuleuse attention à la préservation des parcs à huîtres, non seulement au Cap-Ferret, mais sur tout le littoral du Bassin y compris Arcachon et en signalant la mauvaise habitude qu’ont beaucoup de parqueurs de garder les huîtres prêtes à l’exportation, dans des paniers immergés du rivage, tout au voisinage des points où déversent les égouts».

La locution latine «Si vis pacem, para bellum» pourrait s’appliquer à cette conclusion peu amène pour les ostréiculteurs du Bassin d’Arcachon. Il n’empêche que, tant la ville de Bordeaux que la Fédération des œuvres girondines anti-tuberculeuses, ne donnèrent jamais une suite à leur projet qui, s’il existait réellement, resta dans les cartons.

Luc DUPUYOO

Sources : Archives Municipales de La Teste-de-Buch.

Extrait du Bulletin n° 114 de la Société historique et archéologique d’Arcachon et du Pays de Buch

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